Régularisation des DUP : le Conseil d’Etat encadre le contrôle des juges du fond

Par un arrêt du 29 mai 2024[1], mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a complété sa jurisprudence en matière de régularisation d’une déclaration d’utilité publique[2]. L’affaire portée devant le Conseil d’Etat concerne le projet de réalisation de la section Est de l’avenue du Parisis, entre la RD 301 à Groslay et la […]

Publié le 05/07/2024

  • Action foncière

Par un arrêt du 29 mai 2024[1], mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a complété sa jurisprudence en matière de régularisation d’une déclaration d’utilité publique[2].

L’affaire portée devant le Conseil d’Etat concerne le projet de réalisation de la section Est de l’avenue du Parisis, entre la RD 301 à Groslay et la RD 84a à Bonneuil-en-France, sur le territoire de plusieurs communes situées dans le Département du Val-d’Oise. Cette opération a été déclarée d’utilité publique par un arrêté du Préfet du Val-d’Oise en date du 25 avril 2016.

Cet arrêté a été attaqué devant le Tribunal administratif de Versailles, qui en a prononcé l’annulation, laquelle a été confirmée par la Cour administrative d’appel de Versailles. Le Conseil d’Etat a cependant annulé l’arrêt de la Cour et a renvoyé l’affaire devant celle-ci. De nouveau, la Cour a confirmé le jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles et a rejeté les conclusions du Département sollicitant un sursis à statuer afin qu’il procède à la régularisation du vice entachant la légalité de la déclaration d’utilité publique identifié en première instance, tenant à l’insuffisance de l’évaluation socio-économique.

Le Département du Val-d’Oise s’est de nouveau pourvu en cassation. Le Conseil d’Etat a admis les conclusions du pourvoi du département du Val-d’Oise dirigées contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles en tant que cet arrêt s’est prononcé sur ses conclusions tendant à ce que puisse être prise une mesure de régularisation de l’enquête publique en procédant à une information du public sur les conditions de financement du projet de réalisation de la section est de l’avenue du Parisis.

Premièrement, après avoir rappelé le considérant de principe en la matière qu’il a légèrement complété[3], le Conseil d’Etat a précisé que l’appréciation du juge du fond « tant sur le caractère régularisable du vice que sur la mise en œuvre de ce pouvoir ou sur la fixation du délai pour procéder à cette régularisation est souveraine, sous réserve du contrôle par le juge de cassation de l’erreur de droit et de la dénaturation ». En posant ce principe, le Conseil d’Etat, qui a suivi les conclusions du rapporteur public dans cette affaire, aligne sa jurisprudence en matière de régularisation de la DUP avec celle relative à régularisation d’une autorisation d’urbanisme[4]. En l’espèce, la Haute juridiction a considéré que la cour a commis une erreur de droit et que le Département requérant était ainsi fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué. Dans la mesure où l’affaire était portée pour la seconde fois en cassation, il appartenait alors au Conseil d’Etat de statuer définitivement au fond[5].

Deuxièmement, le Conseil d’Etat a précisé son office dans un tel contexte. S’il indique dans un premier temps qu’il lui appartient seulement, réglant l’affaire au fond, « de se prononcer sur les conclusions du département du Val-d’Oise tendant à ce qu’il soit sursis à statuer afin que puisse être prise une mesure de régularisation permettant de remédier à ce vice », il relève néanmoins que les juridictions du fond se sont uniquement prononcées sur le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude économique et sociale et qu’il lui appartient par conséquent, en application de la jurisprudence Commune de Grabels, « avant de rechercher si cette illégalité est susceptible d’être régularisée et, le cas échéant, de préciser avant dire droit les modalités d’une régularisation, de se prononcer sur le bien-fondé des autres moyens qui avaient été invoqués par les demandeurs de première instance et sur lesquels la cour administrative d’appel ne s’est pas prononcée. »

 Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a examiné et écarté les moyens tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact, de l’incompatibilité avec le schéma directeur de la région d’Ile-de-France et a réservé, du fait des vices entachant l’évaluation socio-économique, l’examen du moyen tiré de l’erreur d’appréciation de l’arrêté attaqué s’agissant de l’utilité publique à sa prochaine décision[6].

A l’issue de l’examen de ces moyens, le Conseil d’Etat a estimé que le vice tenant à l’insuffisance de l’étude économique et sociale s’agissant des modalités de financement du projet présentait un caractère régularisable et a fixé les modalités de régularisation suivantes : « Le vice entachant la légalité de l’arrêté litigieux peut être régularisé par une décision du préfet du Val-d’Oise confirmant l’utilité publique du projet, qu’il devra à nouveau apprécier après réalisation par le département du Val-d’Oise, auquel elle incombe en vertu de l’article R. 1511-7 du code des transports en sa qualité de maître d’ouvrage du projet, d’une analyse des conditions de financement du projet conforme à l’article R. 1511-4 du code des transports, le cas échéant comme il a été dit au point 18 par la mention dans l’évaluation économique et sociale d’un financement de l’intégralité du projet par le département du Val-d’Oise sur ses fonds propres, et la mise en œuvre d’une information et participation du public dans les conditions prévues par les dispositions citées au point précédent. »

Le Conseil d’Etat a fixé un délai de douze mois au Département afin de procéder à cette régularisation.

 

[1] Conseil d’État, 29/05/2024, n° 467449

[2] Conseil d’État, 09/07/2021, n° 437634 ; Conseil d’Etat, 21/07/2022, n° 437634 ; Conseil d’Etat, 11/12/2023, n° 466593

[3] « Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents (DUP) des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, qu’il soit ou non saisi de conclusions en ce sens, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. »

[4] Conseil d’État, 28/12/2017, n° 402362

[5] Article L. 821-2 du code de justice administrative

[6] La réservation de l’appréciation du caractère d’utilité publique du projet à la seconde décision rendue à l’issue du sursis à statuer ayant été reconnue par la décision du Conseil d’Etat n° 465993 du 11 décembre 2023

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