Périmètre de protection des captages : Conditions d’indemnisation des gisements et carrières

La Cour d’appel de Rennes (CA Rennes, Ch. Expro., 13 janvier 2023, RG n° 21/08011) vient de rappeler que si la création d’un périmètre de protection de point de captage d’eau potable peut dans certains cas justifier une indemnisation au titre de l’impossibilité d’exploiter un gisement en sous-sol, c’est à la triple condition que celui-ci […]

Publié le 16/03/2023

un point de captage d'eau dans la nature

La Cour d’appel de Rennes (CA Rennes, Ch. Expro., 13 janvier 2023, RG n° 21/08011) vient de rappeler que si la création d’un périmètre de protection de point de captage d’eau potable peut dans certains cas justifier une indemnisation au titre de l’impossibilité d’exploiter un gisement en sous-sol, c’est à la triple condition que celui-ci soit juridiquement, techniquement et économiquement exploitable.

 

Saisie d’un litige relatif aux conséquences de l’instauration d’un périmètre de protection d’un captage d’eau potable, la Chambre de l’Expropriation de la Cour d’Appel de Rennes a, par un arrêt du 13 janvier 2023[1], eu l’occasion de se prononcer sur une demande d’indemnisation pour perte d’exploitation de ressources en tréfonds de parcelles comprises dans ce périmètre.

 

Il convient tout d’abord de rappeler qu’en la matière, le code de la santé publique[2] dispose que les indemnités dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d’eau destiné à l’alimentation humaine sont fixées suivant les règles applicables en matière d’expropriation.

 

En l’espèce, les appelants, propriétaires de parcelles comprises dans le périmètre de protection rapprochée d’un captage d’eau potable, sollicitaient plusieurs indemnités et notamment une indemnité pour perte d’exploitation du tréfonds (gisement).

 

Si le droit indemnitaire du propriétaire est évident lorsque le gisement est exploité[3] la question est plus délicate lorsqu’il ne l’est pas ou pas encore.

 

Or, sur ce point la Cour d’appel confirme que « l’indemnisation est due non seulement lorsque le gisement est exploité mais également s’il ne l’est pas à condition toutefois qu’il soit justifié de son caractère exploitable. Dans cette dernière hypothèse, il confère une plus-value à la valeur vénale du terrain et l’indemnisation doit couvrir la perte de cette plus-value ». Les trois critères tenant à la détermination du caractère exploitable d’un gisement en tréfonds sont ensuite mentionnés dans l’arrêt : « un gisement est considéré comme exploitable lorsque son exploitation est matériellement, économiquement et juridiquement possible ».

 

En l’espèce, la Cour relève que le gisement revendiqué par les appelants n’est pas exploité. Elle procède donc à l’analyse successive des trois critères permettant de déterminer son caractère exploitable :

 

S’agissant de la possibilité juridique d’exploiter le tréfonds des parcelles comprises dans le périmètre de protection du captage, la Cour constate que celles-ci étaient juridiquement inexploitables avant même la création du périmètre de protection du captage. En effet, ces parcelles sont incluses dans la zone rouge du plan de prévention du risque inondation, lequel proscrit les activités nécessitant des affouillements telles les carrières et a été adopté 7 ans avant la création du périmètre de protection du captage.

 

S’agissant des possibilités matérielles et économiques d’exploiter le tréfonds, les propriétaires produisaient aux débats des pièces démontrant une exploitation antérieure d’une parcelle, replantée depuis lors, et des documents faisant état de difficultés techniques empêchant l’exploitation du tréfonds. Relevant ces éléments et considérant par ailleurs que certaines parcelles, eu égard à leurs dimensions, n’étaient pas matériellement ou économiquement exploitable, la Cour considère que les deux critères d’exploitabilité matérielle et économique des parcelles ne sont pas davantage remplis.

 

Relevant l’absence de caractère juridiquement, économiquement et matériellement exploitable du tréfonds des parcelles incluses dans le périmètre de protection rapprochée du captage d’eau potable, la Cour rejette la demande d’indemnisation sollicitée par les propriétaires de ces parcelles.

 

 

Valentine Bosquet, Juriste Sarah Heitzmann, Avocate associée

 

 


[1] Cour d’appel de Rennes, Chambre de l’Expropriation, 13 janvier 2023, RG n° 21/08011
[2] Article L. 1321-3 du code de la santé publique
[3] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 3 octobre 1990, n° 89-70.073 89-70.074
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