Occupation du domaine privé : le Juge administratif est compétent pour statuer sur les recours des tiers (exemple du bail emphytéotique) (CE, 28 juin 2023, n°456291)
Le Conseil d’Etat confirme que le juge administratif demeure compétent pour statuer sur les recours des tiers à l’encontre des décisions relatives à l’occupation du domaine privé. Le juge judiciaire est en revanche compétent, en principe, s’agissant des recours des preneurs. La décision commentée s’inscrit dans une dynamique jurisprudentielle récente relative à la […]
Le Conseil d’Etat confirme que le juge administratif demeure compétent pour statuer sur les recours des tiers à l’encontre des décisions relatives à l’occupation du domaine privé. Le juge judiciaire est en revanche compétent, en principe, s’agissant des recours des preneurs.
La décision commentée s’inscrit dans une dynamique jurisprudentielle récente relative à la répartition des compétences juridictionnelles en matière de gestion du domaine privé des personnes publiques.
En effet, par deux arrêts, (13 mars 2023, n° 4260, SARL BOUCHERIE CANNOISE ; 13 mars 2023, n° 4266, Commune de PHALSBOURG), le Tribunal des conflits rappelait que :
- L’acte d’une personne publique, qu’il s’agisse d’une délibération ou d’une décision, qui modifie le périmètre ou la consistance de son domaine privé ne se rapporte pas à la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte ressortit à la compétence du juge administratif ;
- Les actes de disposition du domaine, public ou privé, d’une personne publique ressortissent de la compétence du juge administratif. Ils concernent essentiellement les délibérations des collectivités relatives à la vente, l’achat et le refus de la collectivité de vendre ou d’acheter, qui sont contestées par des tiers à un éventuel contrat (Cf par ex. CE, 2 avril 2015, n° 364539 ; CE, 15 mars 2017, n°393407 ; TC, 15 mai 2017, n°4079) ;
- Les actes de gestion du domaine privé d’une personne publique, c’est-à-dire ceux par lesquels le gestionnaire du domaine privé initie, conduit ou termine une relation contractuelle avec une personne déterminée, dont l’objet est la valorisation ou la protection du domaine privé, ressortissent de la compétence du juge judiciaire (TC, 18 juin, n°3241), sauf s’ils contiennent des clauses exorbitantes (TC, 22 novembre 2010, n°3764, BRASSERIE DU THEATRE).
Le Conseil d’Etat a précisé, par sa décision « Commune de Valbonne » du 7 mars 2019 (n°417629) que la juridiction administrative reste compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer.
Par sa décision du 28 juin 2023, le Conseil d’Etat a fait application de cette jurisprudence pour la contestation par un tiers d’une promesse de bail emphytéotique.
Une société A était titulaire d’un contrat de fortage conclu avec une commune pour l’exploitation d’une carrière sur une parcelle communale relevant du domaine privé. Apprenant que la commune avait conclue avec une société B une promesse de bail emphytéotique portant sur la même parcelle, et que cette promesse avait fait l’objet d’une prorogation assortie d’une mise à disposition du site pour permettre à la société B d’y installer des équipements, la société A a demandé au Tribunal administratif de Marseille d’annuler la délibération ayant approuvé la prorogation de la promesse de bail.
Le Tribunal s’étant estimé incompétent pour connaître de la demande, la société A a interjeté appel du jugement. La Cour administrative d’appel de Marseille a décidé d’annuler le jugement, considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal.
Saisi d’un pourvoi en cassation formé par la société bénéficiaire de la promesse, le Conseil d’Etat a confirmé la solution retenue par la Cour administrative d’appel.
Guillaume MériauxAvocat |