Contrat de vente d’un bien du domaine privé d’une commune et compétence juridictionnelle : les récentes précisions apportées par le Tribunal des conflits

Par deux décisions, le Tribunal des conflits a précisé les règles de compétence juridictionnelle s’agissant de la vente d’un bien relevant du domaine privé d’une commune.   1. Décision du 13 mars 2023, n° 4260, SARL BOUCHERIE CANNOISE En l’espèce, une SARL exploitait un commerce à Cannes. Par une délibération, le conseil municipal a approuvé […]

Publié le 31/03/2023

une poignée de main au dessus d'un contrat

Par deux décisions, le Tribunal des conflits a précisé les règles de compétence juridictionnelle s’agissant de la vente d’un bien relevant du domaine privé d’une commune.

 

1. Décision du 13 mars 2023, n° 4260, SARL BOUCHERIE CANNOISE

En l’espèce, une SARL exploitait un commerce à Cannes. Par une délibération, le conseil municipal a approuvé le principe et le prix d’acquisition du fonds de commerce et a autorisé le maire à signer « tous les actes nécessaires » à cette opération.
Plus tard, la commune a décidé de ne plus acquérir le fonds de commerce et l’a fait savoir à la SARL, qui a saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande tenant à ce que la commune soit condamnée à verser une indemnité en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subie du fait de l’absence d’exécution de la délibération précitée.
Le tribunal administratif de Nice a renvoyé au Tribunal des conflits le soin d’apprécier la compétence juridictionnelle pour juger l’affaire en litige.
Le Tribunal des conflits juge que :
•  l’acte d’une personne publique, qu’il s’agisse d’une délibération ou d’une décision, qui modifie le périmètre ou la consistance de son domaine privé ne se rapporte pas à la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte ressortit à la compétence du juge administratif ;
•  Il en est de même du refus de prendre un tel acte, de son retrait ou du litige par lequel la responsabilité de cette personne publique est recherchée à raison dudit acte, du refus de le prendre ou de son retrait.
Cette décision distingue, d’un côté, les actes tendant à la modification du périmètre ou la consistance du domaine privé et, de l’autre, les actes de gestion du domaine privé.
Pour rappel :
•  Les actes de disposition du domaine, public ou privé, d’une personne publique ressortissent de la compétence du juge administratif. Ils concernent essentiellement les délibérations des collectivités relatives à la vente, l’achat et le refus de la collectivité de vendre ou d’acheter, qui sont contestées par des tiers à un éventuel contrat (Cf par ex. CE, 2 avril 2015, n° 364539 ; CE, 15 mars 2017, n°393407 ; TC, 15 mai 2017, n°4079) ;
•  Les actes de gestion du domaine privé d’une personne publique, c’est-à-dire ceux par lesquels le gestionnaire du domaine privé initie, conduit ou termine une relation contractuelle avec une personne déterminée, dont l’objet est la valorisation ou la protection du domaine privé, ressortissent de la compétence du juge judiciaire (TC, 18 juin, n°3241), sauf s’ils contiennent des clauses exorbitantes (TC, 22 novembre 2010, n°3764, BRASSERIE DU THEATRE).
La notion de « gestion » se rapporte, en somme, à une relation contractuelle entamée avec une personne bien déterminée (contrat de location ou de mise à disposition, ou même délibération autorisant le maire à résilier un contrat ou décidant de ne pas renouveler un bail déjà conclu avec cette personne).

 

2. Décision du 13 mars 2023, n° 4266, Commune de PHALSBOURG

Par un acte de vente, la commune a cédé à une société, une parcelle de son domaine privé en vue de la construction, par cette société, d’un immeuble à usage industriel.
Cet acte de vente contient un certain nombre de conditions suspensives plutôt exigeantes et révélant un intérêt certain de la commune dans le cas d’une future rétrocession :
•  dépôt d’un permis de construire ;
•  édification de l’immeuble dont la surface et les délais sont précisés ;
•  versement d’une indemnité en cas de non-respect des prescriptions ;
•  interdiction pour l’acquéreur de mettre à la vente l’immeuble avant la fin des travaux sans en aviser le maire qui se réserve le droit d’obtenir la rétrocession du terrain ;
•  interdiction de morceler le terrain sans autorisation de la commune.
Classiquement, et conformément à une jurisprudence désormais constante (TC, 22 novembre 2010, n°3764, BRASSERIE DU THEATRE ; TC, 4 juillet 2016, n° 4052), le Tribunal des conflits rappelle que « le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, sauf si ce contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ».
En l’espèce, il considère, d’une part, que la vente en question n’a pas pour objet l’exécution d’un service public et, d’autre part, que les clauses contenues dans l’acte de vente, pourtant contraignantes, n’impliquent pas que le contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs.
Il a finalement qualifié le contrat de contrat privé, relevant ainsi de la compétence du juge judiciaire.

 

 

 Guillaume Mériaux, Avocat
Retour aux articles