Conséquences de l’annulation d’une décision de préemption sur la situation de l’acquéreur évincé
Civ. 3ème, 7 sept. 2022, n°21-12.114 Un acquéreur évincé ne peut réclamer l’annulation de la vente conclue entre le vendeur et le titulaire du droit de préemption lorsqu’il est devenu lui-même propriétaire en vertu de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme. Une société (société A) avait conclu avec une autre (société B) […]
Civ. 3ème, 7 sept. 2022, n°21-12.114
Un acquéreur évincé ne peut réclamer l’annulation de la vente conclue entre le vendeur et le titulaire du droit de préemption lorsqu’il est devenu lui-même propriétaire en vertu de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme.
Une société (société A) avait conclu avec une autre (société B) un bail de courte durée assorti d’une promesse unilatérale de vente de l’immeuble objet du bail.
Après la conclusion du bail, la Commune notifiait sa décision d’exercer son droit de préemption, tandis que, quelques jours plus tard, la société preneuse à bail (société B), devenue évincée, levait l’option de la promesse de vente qui y était assortie.
La décision de préemption permettait néanmoins à la Commune de conclure, par acte authentique, l’acquisition de l’immeuble auprès de la société qui était alors ancienne propriétaire (société A).
Or, la Cour administrative d’appel de Paris annulait ensuite la décision de préemption.
L’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme dispose que dans ce cas, et après que le transfert de propriété ait été effectué en vertu de la décision de préemption, le titulaire du droit de préemption propose en priorité aux anciens propriétaires l’acquisition du bien. Dans le cas où les anciens propriétaires ont renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition, le titulaire du droit de préemption propose, dans un second temps, l’acquisition à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien.
En vertu de ces dispositions, la Commune a proposé la rétrocession du bien à la société ancienne propriétaire (société A), qui l’a refusé, pour ensuite la proposer à la société qui avait initialement l’intention d’acquérir le bien (société B).
Cette dernière a alors assigné la société anciennement propriétaire (société A) et la Commune afin de faire annuler la vente qui avait été conclu entre ces deux parties à la suite de la décision de préemption. Cette demande était motivée par le fait que la Commune, se revendiquant propriétaire en vertu de la décision de préemption (qui n’était alors pas encore annulée), lui réclamait le versement indemnités d’occupation.
Alors que la Cour d’appel de Paris, par arrêt en date du 16 novembre 2018, fait droit à la demande d’annulation de la vente, la Cour de cassation, se basant sur une application combinée des articles 1134 du Code civil (dans sa rédaction alors en vigueur) et L. 231-11-1 du Code de l’urbanisme, a considéré qu’ : « il résulte de ces textes que, lorsque, après s’être acquitté, de son obligation de proposer l’acquisition du bien à l’ancien propriétaire, qui y a renoncé, le titulaire du droit de préemption propose cette acquisition à l’acquéreur évincé, qui l’accepte, celui-ci n’est plus recevable à demander l’annulation de la vente conclue avec l’ancien propriétaire à compter de la date de la conclusion de la promesse de vente ».
Cet arrêt a été l’occasion pour la Cour de cassation de préciser l’articulation entre le code civil et le code de l’urbanisme, en rappelant que la lettre même de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme permet à l’acquéreur évincé (société B) de prétendre à l’acquisition du bien lorsque le vendeur (société A) renonce à la rétrocession proposée par la Commune. La Cour de cassation conclut alors que l’acquéreur évincé n’a plus aucun intérêt à faire annuler le contrat de vente conclu entre la Commune et la société anciennement propriétaire à la suite de la décision de préemption.
Par Guillaume MÉRIAUX, avocat |