Cession du Stade de France et mise en concurrence préalable : un rappel bienvenu
Par une ordonnance rendue le 15 mai 2024 dans le cadre d’un référé précontractuel, le Tribunal administratif de Montreuil s’est prononcé sur la régularité d’une procédure de mise en concurrence préalable mise en œuvre dans le cadre de la cession, avec charges, d’un bien immobilier de l’Etat.
Dans le cadre de la cession du Stade de France, son propriétaire, l’Etat, a lancé deux procédures d’appel d’offres portant, pour l’une, sur la concession du Stade, et pour l’autre, sur la cession du Stade avec charges. Le groupement « Le Stade de France – notre bien commun » avait alors déposé un dossier de candidature pour l’acquisition du Stade. Son offre a été rejetée par l’Etat.
Le groupement a alors saisi le juge administratif par la voie d’un référé précontractuel (L. 551-1 du code de justice administrative) pour lui demander de reprendre la procédure de mise en concurrence organisée dans le cadre de la cession du Stade et d’annuler la décision de l’Etat par laquelle il avait rejeté l’offre du candidat.
Le juge administratif a décidé :
- Que la juridiction administrative était bien compétente en vertu des dispositions de l’article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui disposent que tous les litiges relatifs aux cessions des biens immobiliers de l’Etat sont portés devant la juridiction administrative ;
- Que le juge des référés précontractuels n’était pas compétent, en l’espèce, pour statuer sur la demande présentée par le groupement. Le juge, après une analyse des conditions de la procédure de mise en concurrence et des modalités du futur contrat, et notamment des charges qui sont imposées au futur acquéreur, conclut que le contrat ne pouvait pas être qualifié de contrat de la commande publique (inexistence d’un « besoin » de l’Etat). Le juge des référés précontractuels n’étant compétent que dans le cadre des procédures impliquant des contrats de la commande publique, rejette logiquement sa compétence.
Cette décision rappelle que les procédures de mise en concurrence préalables à la conclusion d’un contrat passé par au moins une personne publique ne relèvent pas d’un seul et même régime. Il convient de distinguer :
- Les procédures de mise en concurrence mises en œuvre dans le cadre de la passation d’un contrat de la commande publique, soumises aux règles du code de la commande publique ;
- Les procédures de mise en concurrence mises en œuvre dans le cadre de la passation d’autres contrats « publics » (conventions d’occupation, cessions de biens immobiliers, etc.), qui sont librement organisées par les personnes publiques, à condition, d’une part, d’instaurer une concurrence effective, et, d’autre part, que le contrat concerné ne soit pas requalifiable en contrat de la commande publique, auquel cas les règles du code de la commande publique auront vocation à s’appliquer.
Rappelons, pour conclure, que la cession des biens immobiliers du domaine privé de l’Etat est obligatoirement consentie après publicité et mise en concurrence préalable (R. 3211-2 du code général de la propriété des personnes publiques). Ce n’est pas le cas des biens immobiliers du domaine privé des collectivités territoriales, qui peuvent néanmoins y procéder volontairement.
La nomenclature des opérations soumises à évaluation environnementale a été modifiée
La nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, fixant les catégories de projet soumis à évaluation environnementale systématique ou après un examen au cas par cas, a été modifiée par un décret n° 2024-529 du 10 juin 2024, publié au journal officiel le 11 juin 2024.
Quatre rubriques ont fait l’objet de modifications.
Tout d’abord, au titre de la rubrique 1, la rubrique 1 a) prévoit désormais que les élevages intensifs de volailles ou de porcs mentionnés par la rubrique 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement ne sont plus soumis à évaluation environnementale systématique.
Également, la rubrique 1 e) fixe à présent des seuils à partir desquels les élevages intensifs mentionnés par la rubrique 3660 de la nomenclature des installations classés sont soumis à évaluation environnementale systématique :
« -de plus de 85 000 emplacements pour les poulets et 60 000 emplacements pour les poules ;
-de plus de 3 000 emplacements pour les porcs de production (de plus de 30 kg) ;
-de plus de 900 emplacements pour les truies. »
En outre, la rubrique 1 f) soumettant les projets de stockage géologique de CO2 soumis à autorisation mentionnés par la rubrique 2970 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, exclu désormais les essais d’injection et de soutirage en formation géologique d’une quantité inférieure à 100 kilotonnes, lorsqu’ils sont réalisés pendant la phase de recherche. Ces essais sont néanmoins soumis à examen au cas par cas en application de la nouvelle rubrique 1 d) de la deuxième colonne.
La deuxième rubrique modifiée est celle relative aux forages en profondeur à l’exception des forages pour étudier la stabilité des sols. La rubrique 27 f) a été corrigée afin de remplacer la mention de l’article L. 112-3 du code minier par l’article L. 112-2 de ce même code, définissant les activités géothermiques de minime importance.
Le décret du 10 juin 2024 a par ailleurs fait évoluer la rubrique 44 relative aux projets d’équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés. La rubrique 44 d) prévoit désormais que les équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés sont soumis à un examen au cas par cas dès lors qu’ils sont susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes. Par conséquent, en-deçà de ce seuil, ces projets ne sont désormais plus soumis à examen au cas par cas (bien qu’ils sont toujours susceptibles d’être soumis à un tel examen en application de la clause filet).
Enfin, les « Opérations d’aménagements fonciers agricoles et forestiers mentionnées au 1° de l’article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime, y compris leurs travaux connexes. » visées à la rubrique 45, doivent désormais toutes faire l’objet d’un examen au cas par cas alors qu’elles étaient auparavant toutes soumises à évaluation environnementale systématique.
Cette nouvelle nomenclature est applicable aux projets pour lesquels la première autorité compétente pour autoriser le projet ou l’autorité chargée de l’examen au cas par cas sont saisies à compter de la publication du décret, c’est-à-dire depuis le 11 juin dernier.
par Mme Valentine Bosquet, juriste, TH AVOCATS
Les outils d’intervention de la Loi Habitat Dégradé
La loi visant l’accélération et la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé n°2024- 332 du 9 avril 2024 dite loi « habitat dégradé », apporte une série de réponses opérationnelles pour mieux protéger et accompagner les collectivités et la population face aux risques liés à la dégradation des immeubles.
Ce texte s’articule autour de trois chapitres :
- Intervention en amont d’une dégradation définitive ;
- Accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés et les opérations d’aménagements stratégiques ;
- Mesures diverses.
Concernant le volet « Copropriétés », si la gestion quotidienne d’une copropriété relève en principe de la sphère privée, les difficultés pouvant résulter d’une dégradation de celle-ci (insécurité, insalubrité, difficultés financières, marchands de sommeil…) deviennent alors un enjeu public.
C’est le constat auquel les pouvoirs publics parviennent depuis plusieurs années en raison de la dégradation flagrante de la gestion de certaines copropriétés (vieillissement des bâtiments, paupérisation des occupants ou des bailleurs, difficultés croissantes liées à la gestion collective, acteurs malveillants (les marchands de sommeil) et multiplication des situations d’urgence).
Face à ce constat, la Loi « habitat dégradé » offre des moyens d’actions importants en vue de privilégier le préventif sur le curatif :
- La nouvelle formule d’emprunt collectif au bénéfice du syndicat des copropriétaires pour financer les travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien des immeubles,
- Les outils renforcés au profit des pouvoirs publics : opération de restauration immobilière (ORI) à l’échelle d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, scission forcée de copropriétés dans les ensembles immobiliers trop vastes et impossibles à gérer, …
Concernant le volet « Habitat indigne », nous assistons, dans la continuité de l’Ordonnance n°2020-1144 du 16 septembre 2020, à un important renforcement des outils d’intervention publique de traitement de l’habitat dégradé. L’objectif est encore une fois d’intervenir plus en amont pour éviter in fine le recours aux dispositifs coercitifs et curatifs (démolition par exemple).
En complément du renforcement de la police administrative spéciale de lutte contre l’habitat dégradé et insalubre, les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale sont également modifiées en vue de durcir les sanctions et peines complémentaires applicables aux propriétaires et bailleurs indélicats.
Les principales mesures issues de cette Loi sont résumées ci-après :
- L’article 4 introduit la possibilité pour toutes les copropriétés de souscrire un prêt collectif pour le financement de travaux essentiels et de rénovation énergétique.
Cette nouvelle formule de prêt est global, collectif, adossé aux lots et inclusif, apportant ainsi une réponse aux attentes exprimées depuis longue date.
Contrairement au régime précédent, le principe est inversé car chaque copropriétaire est réputé avoir accepté ce mode de financement des travaux. S’il veut refuser, il doit notifier son refus dans un délai de 2 mois et verser la totalité de sa quote-part dans un délai de 6 mois, le tout à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires.
Ce type de prêt, plus souple et plus rapide dans sa souscription, devrait permettre d’accélérer la mise en œuvre des programmes de travaux en permettant d’associer directement la décision de vote de ceux-ci à la mise en place d’une solution de financement pour l’ensemble de la copropriété.
Cette mesure concernera à la fois les copropriétés aidées par la puissance publique, mais également les copropriétés engagées dans une démarche d’entretien « classique » ou de performance énergétique.
Enfin, elle permettra aussi de lisser la charge de la réalisation des travaux sur plusieurs années afin de permettre aux copropriétaires de procéder plus facilement à l’entretien de leur immeuble.
Reste néanmoins à savoir quels seront les acteurs bancaires prêts à proposer cet emprunt collectif.
- L’article 9 crée une nouvelle procédure d’expropriation aux articles L 512-1 et suivants du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. L’expropriation des immeubles indignes à titre remédiable s’applique aux propriétaires de logements ayant reçu au moins deux arrêtés de péril ou d’insalubrité au cours des dix dernières années sans avoir totalement exécuté les prescriptions de ces arrêtés.
Avant l’intervention de la présente Loi, seule l’expropriation des immeubles frappés d’une interdiction définitive d’habiter ou d’un ordre de démolition, donc présentant un état de dangerosité et de délabrement avancé, était possible dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations.
Conformément à l’Avis du Conseil d’Etat n°407663 du 7 décembre 2023, cette nouvelle procédure est conditionnée :
- A la carence persistante des propriétaires à exécuter les mesures prescrites antérieurement,
- A la nécessité de réaliser des mesures de prévention de la dégradation attestées par un rapport des services techniques ou un expert
- A l’obligation, pour les biens à usage d’habitation, de prévoir un plan de relogement ou d’hébergement en cas d’interdiction temporaire d’habiter.
- L’article 11 remet en cause, à titre expérimental et dérogatoire dans un objectif d’intérêt général, une constante du statut de la copropriété en admettant la dissociation au sein du lot de copropriété entre la partie privative et la quote-part de partie commune.
Une procédure d’expropriation expérimentale des parties communes telle que décrite à l’article L 615-10 du Code de la construction et de l’habitation pourra ainsi être mise en œuvre jusqu’en 2034 par un organisme HLM en tant qu’opérateur habilité dans les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) d’intérêt national ou non.
Pour ce faire, la commune ou l’EPCI en matière d’habitat pourra ainsi habiliter un opérateur, qui peut être notamment un organisme HLM à conclure avec le syndicat des copropriétaires, afin d’assurer la rénovation de la copropriété, une convention en vue de l’acquisition temporaire à titre onéreux :
- soit du terrain d’assiette de l’immeuble ;
- soit des parties communes et des équipements communs de l’immeuble.
Les modalités de la cession devront être fixées par une convention avec l’opérateur, qui permettra de définir :
- la durée maximale pendant laquelle l’opérateur sera investi des droits réels conférés par la propriété du terrain ou des parties communes ;
- les conditions de rachat du terrain ou des parties communes par les propriétaires. Le prix de revente ne pouvant pas excéder le prix d’acquisition par l’opérateur, tel qu’initialement établi par une évaluation du service des domaines et actualisé selon des modalités définies par décret (à paraître) ;
- les mesures et travaux de rénovation que l’opérateur s’engage à réaliser, ainsi que, le cas échéant, ses obligations en matière d’entretien ;
- un règlement pour l’usage des locaux et des équipements par les copropriétaires ;
- la redevance due par les copropriétaires à l’opérateur au titre de l’usage du terrain et des parties et équipements communs de la copropriété et des travaux réalisés aux fins de leur rénovation et de leur conservation, en rapport avec la superficie de leurs parties privatives.
Cette procédure spécifique ne s’applique que pour les copropriétés déclarées en état de carence et pour lesquelles un opérateur a été habilité à intervenir par la collectivité.
Par ailleurs, l’attractivité d’un tel dispositif devra être mise à l’épreuve économiquement au regard d’un bilan établi sur la base des travaux à entreprendre et de la redevance versée par les ménages.
- L’article 22 prévoit un élargissement des objectifs justifiant l’exercice du droit de préemption urbainen créant le nouvel article L. 211-2-4 du Code de l’urbanisme, lequel prévoit désormais expressément que le droit de préemption urbain peut être exercé en vue de la réalisation d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH), d’un plan de sauvegarde ou d’une opération de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD).
Dès lors, ce droit, lequel peut être délégué au titulaire de la concession d’aménagement ou de traitement des copropriétés dégradées, devient légalement un outil de lutte contre la dégradation de l’habitat.
- La mise en œuvre des permis de louer et de diviser est facilitée en vue notamment de lutter contre les marchands de sommeil. A ce titre :
- L’article 8 de la Loi crée un fondement juridique à l’exercice du droit de visite confié au président de l’EPCI ou au maire, dans le cadre de l’instruction du permis de louer. Si ce droit de visite existait, son exercice n’était pas clairement défini par les textes et cette évolution apparaît opportune.
- L’article 23 offre la possibilité aux maires de prononcer directement les amendes relatives aux infractions au permis de louer et permettre l’attribution du bénéfice de ces amendes aux communes ou EPCI compétents.
- L’article 33 instaure, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, la faculté pour le président de l’EPCI ou le maire de rejeter la demande de permis de louer. L’application au logement, et non à chaque locataire, des normes de décence pour les colocations à baux multiples, a permis à certains marchands de sommeil de procéder à des divisions informelles d’appartements. A ce titre, il convient de relever que la collectivité peut fixer désormais fixer des exigences de décence plus fortes que celles inscrites à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour les colocations à baux multiples, justifiant le refus du permis de louer lorsque ces normes de décence ne sont pas respectées.
- L’article 13 prévoit la possibilité pour l’autorité compétente d’exécuter d’office des mesures, y compris l’éventuelle démolition, en cas de méconnaissance des règles d’urbanisme.
Pour mémoire, les articles L. 480-1 et suivants du Code de l’urbanisme prévoient, lorsque des travaux ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations d’urbanisme, que l’autorité de police compétente peut mettre en demeure le constructeur de procéder aux opérations nécessaires afin de régulariser la situation. Le contrevenant s’expose alors à une astreinte, s’il n’a pas satisfait à la mise en demeure et qu’un procès-verbal a été dressé (CU : L.480-1 et L.481- 1). Toutefois, ce dispositif pouvait s’avérer insuffisant à contraindre les propriétaires indélicats. Sur la base de ce constat, la loi fait évoluer le dispositif en permettant à l’autorité compétente, de faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites dès lors que :
- Les travaux entrepris et exécutés ont produit des installations présentant un risque certain pour la sécurité ou la santé ;
- La mise en demeure est restée lettre morte au terme du délai imparti.
Surtout, l’autorité compétente peut également, sur autorisation préalable du Président du Tribunal judiciaire, procéder d’office à la démolition complète desdites installations, aux frais de l’intéressé dès lors qu’il n’existe aucun moyen technique permettant de régulariser les travaux entrepris ou exécutés.
- Un renforcement important des sanctions pénales encourues par les bailleurs contrevenants est créé par ce nouveau texte.
Le délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne est désormais sanctionné d’une peine de sept ans d’emprisonnement encouru (cinq ans antérieurement) et d’une amende de 200.000 € (150.000 € antérieurement).
Par ailleurs, la peine complémentaire « d’interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement ou d’être usufruitier d’un tel bien ou fonds de commerce » susceptible d’être prononcée à l’encontre des bailleurs reconnus coupables de l’infraction précitée peut désormais être prononcée pour une durée de quinze ans (dix ans antérieurement).
Enfin, et opportunément, les biens immobiliers confisqués aux marchands de sommeil peuvent désormais être mis à disposition, à titre gratuit, des collectivités territoriales compétentes. De même, la confiscation des indemnités d’expropriation prévue par l’article 131-21 du Code pénal est facilitée par la possibilité pour l’autorité expropriante d’avertir le procureur de la République de la date à laquelle il procédera au paiement ou à la consignation desdites indemnités d’expropriation envers un contrevenant mis en cause pour l’une des infractions prévues aux articles 225-14 du Code pénal, L. 511-22 et L. 521-4 du Code de la construction et de l’habitation.
- Dans les mesures diverses figurant au chapitre III de la loi, l’article 57 a ouvert le BRSA aux organismes HLM pour une uniformité de maîtrise d’ouvrage sur l’immeuble comportant des logements en BRS.
- Concernant les mesures propres à l’Outre-Mer, la loi vient modifier l’article 11-1 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 dite « Loi Letchimy » en modifiant le délai offert pour ordonne au propriétaire la démolition de l’habitat informel. Alors qu’initialement la démolition devait être ordonnée dans les 24 heures suivant la constatation de l’édification des locaux ou installations informels, ce délai est porté à 96 heures.
De même, l’article 51 de la loi vient modifier les articles 771 à 775 et 2272 du Code Civil en prolongeant jusqu’en 2038 le régime dérogatoire mis en place par la loi n°2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer. A ce titre, la loi vient renforcer le dispositif permettant la sortie de l’indivision successorale par :
- La suppression de la possibilité pour un indivisaire omis de bonne foi de recevoir sa part en nature, pour ne conserver une compensation qu’en valeur ;
- L’application des articles 771 à 775 du Code Civil visant à obliger un héritier à accepter ou refuser la succession dans un délai de quatre mois aux successions ouvertes avant le 1er janvier 2007 ;
- La réduction du délai pour l’application de la prescription acquisitive de 30 à 10 ans (Article 2272 du Code Civil)
Pour conclure, ces nouvelles dispositions viennent, d’une part, opportunément renforcer l’arsenal juridique préexistant en vue de protéger les occupants face aux risques de dégradations des copropriétés. D’autre part, le texte crée plusieurs dispositifs préventifs ou curatifs face au développement de l’habitat dégradé en permettant l’accélération et la simplification des actions de lutte contre la dégradation de l’habitat.
Sauf délégation, le conseil municipal est compétent en matière de conventions d’occupation
Par une délibération du 16 octobre 2019, le conseil municipal de Clomot (du département de la Côte d’or) a autorisé son maire à conclure avec une société spécialisée dans l’exploitation de parcs éoliens une convention d’occupation et d’utilisation de plusieurs voies et chemins relevant du domaine public communal. La convention a été signée par le maire.
Par la suite, des tiers ont effectué un recours tendant à l’annulation de la délibération et de la convention d’occupation devant le tribunal administratif de Dijon, qui a logiquement décliné sa compétence au profit de celle de la Cour administrative de Lyon. Les cours administratives d’appel sont en effet compétentes pour les litiges relatifs aux autorisations d’occupation du domaine public consenties pour l’exploitation de parcs éoliens, en vertu du 13° de l’article R.311-5 du code de justice administrative.
La Cour administrative d’appel de Lyon ayant rejeté le recours, les tiers se sont pourvus en cassation.
Se posait la question de savoir si le maire était bien compétent pour conclure la convention d’occupation dont il s’agissait en l’espèce.
Le Conseil d’Etat rappelle classiquement que le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune et que le maire est chargé d’exécuter les décisions du conseil municipal sous son contrôle.
Il déduit de ces règles et des dispositions du 5° de l’article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales que le maire n’est compétent pour décider la conclusion de conventions d’occupation du domaine public que s’il existe une délégation du conseil municipal et que la durée de la convention n’excède pas 12 ans.
En l’espèce, le Conseil d’Etat annule l’arrêt attaqué, la Cour administrative d’appel ayant considéré le maire compétent par principe. Or, la Cour n’avait pas vérifié la durée de la convention, ni la validité de la délégation confiée par le conseil municipal.
On relèvera que la qualification domaniale du bien importe peu dans les litiges relatifs à la répartition interne des compétences en matière d’occupation, l’article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales faisant mention du « louage de choses », sans distinction (cf par ex.CE, 30 oct. 1996, n° 123638).
Cette décision confirme :
- La compétence générale du conseil municipal en matière de conventions d’occupation, sauf délégation donnée au maire pour des conventions de moins de 12 ans ;
- La compétence exclusive du maire en matière d’autorisation unilatérale d’occupation du domaine (cf par ex. CE, 18 nov. 2023, n°390461).
Alors que les règles de compétence sont essentielles, sous peine d’entrainer l’illégalité de certaines décisions (CE, 14 nov. 2001, n° 223572), il est permis de s’interroger sur cette distinction qui repose uniquement sur l’outil juridique utilisé (contrat ou titre unilatéral) et non sur la finalité de l’opération.
Régularisation d’une DUP : le Conseil d’Etat précise l’office du juge administratif
Par un arrêt du 11 décembre 2023[1], le Conseil d’Etat a de nouveau été conduit à se prononcer sur les contours de la procédure de régularisation d’un arrêté portant déclaration d’utilité publique, faculté consacrée par les arrêts Commune de Grabels[2].
Cette décision mentionnée aux Tables du Recueil Lebon comporte deux apports.
D’une part, le Conseil d’Etat précise que « la faculté de régularisation d’un arrêté déclarant d’utilité publique des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme peut être mise en œuvre pour la première fois en appel ».
Sur ce premier point, les conclusions de Madame Pradines, rapporteure publique dans cette affaire, sont particulièrement éclairantes. Cette dernière rappelle en effet que la faculté de régularisation des arrêtés de DUP, construction prétorienne, est inspirée des mécanismes de régularisations prévus par les textes (voir notamment l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme matière d’autorisation d’urbanisme ou l’article L. 181-18 du code de l’environnement en matière d’autorisation environnementale). Toutefois, ni la décision Commune de Grabels précitée, ni les facultés de régularisation prévues par les textes concernant d’autres branches du droit (urbanisme ou environnement) ne s’opposent à la possibilité d’une régularisation au stade de l’appel[3]. La rapporteure publique en conclut que la faculté de mobiliser la régularisation en appel est intrinsèquement liée à l’effet dévolutif de l’appel et s’inscrit en cohérence avec l’objet et l’esprit de la procédure de régularisation.
D’autre part, l’arrêt précise que lorsque le juge administratif rend une première décision par laquelle il sursoit à statuer afin de permettre la régularisation d’un arrêté de DUP, il peut réserver la question de l’appréciation du caractère d’utilité publique de l’opération déclarée d’utilité publique, celle-ci étant alors opérée dans sa seconde décision.
Alors que l’arrêt de principe Commune de Grabels impose que le juge administratif ne sursoie à statuer dans l’attente de la réalisation des mesures de régularisation qu’après avoir constaté que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés, cette décision du 11 décembre 2023 apporte une certaine souplesse à l’office du juge.
En effet, en l’espèce, la cour administrative d’appel avait constaté que les autres moyens n’étaient pas fondés mais avait cependant estimé que les lacunes de l’étude d’impact l’empêchaient d’apprécier l’utilité publique du projet et que « la réponse au moyen contestant cette utilité publique supposait de disposer des éléments complémentaires attendus de l’éventuelle régularisation ». Dans ces circonstances, le Conseil d’Etat considère que la cour a suffisamment motivé son arrêt et n’a pas commis d’erreur de droit.
Le juge administratif dispose ainsi de la possibilité d’adapter, dans la limite des contours définis par la jurisprudence du Conseil d’Etat, son office en matière de régularisation d’un arrêté portant déclaration d’utilité publique, selon les faits qui lui sont soumis et en fonction des relations entre les moyens soulevés, circonstances propres à chaque contentieux
[1] CE, 11 décembre 2023, n° 466593
[2] CE 9 juillet 2021, n° 437634 et CE, 21 juillet 2022, n°437634
[3] CE, 18 juin 2014, Société Batimalo et autre, n° 376760 ; CE, 27 septembre 2018, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et autres, n° 420119
Occupation du domaine privé : le Juge administratif est compétent pour statuer sur les recours des tiers (exemple du bail emphytéotique) (CE, 28 juin 2023, n°456291)
Le Conseil d’Etat confirme que le juge administratif demeure compétent pour statuer sur les recours des tiers à l’encontre des décisions relatives à l’occupation du domaine privé. Le juge judiciaire est en revanche compétent, en principe, s’agissant des recours des preneurs.
La décision commentée s’inscrit dans une dynamique jurisprudentielle récente relative à la répartition des compétences juridictionnelles en matière de gestion du domaine privé des personnes publiques.
En effet, par deux arrêts, (13 mars 2023, n° 4260, SARL BOUCHERIE CANNOISE ; 13 mars 2023, n° 4266, Commune de PHALSBOURG), le Tribunal des conflits rappelait que :
- L’acte d’une personne publique, qu’il s’agisse d’une délibération ou d’une décision, qui modifie le périmètre ou la consistance de son domaine privé ne se rapporte pas à la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte ressortit à la compétence du juge administratif ;
- Les actes de disposition du domaine, public ou privé, d’une personne publique ressortissent de la compétence du juge administratif. Ils concernent essentiellement les délibérations des collectivités relatives à la vente, l’achat et le refus de la collectivité de vendre ou d’acheter, qui sont contestées par des tiers à un éventuel contrat (Cf par ex. CE, 2 avril 2015, n° 364539 ; CE, 15 mars 2017, n°393407 ; TC, 15 mai 2017, n°4079) ;
- Les actes de gestion du domaine privé d’une personne publique, c’est-à-dire ceux par lesquels le gestionnaire du domaine privé initie, conduit ou termine une relation contractuelle avec une personne déterminée, dont l’objet est la valorisation ou la protection du domaine privé, ressortissent de la compétence du juge judiciaire (TC, 18 juin, n°3241), sauf s’ils contiennent des clauses exorbitantes (TC, 22 novembre 2010, n°3764, BRASSERIE DU THEATRE).
Le Conseil d’Etat a précisé, par sa décision « Commune de Valbonne » du 7 mars 2019 (n°417629) que la juridiction administrative reste compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer.
Par sa décision du 28 juin 2023, le Conseil d’Etat a fait application de cette jurisprudence pour la contestation par un tiers d’une promesse de bail emphytéotique.
Une société A était titulaire d’un contrat de fortage conclu avec une commune pour l’exploitation d’une carrière sur une parcelle communale relevant du domaine privé. Apprenant que la commune avait conclue avec une société B une promesse de bail emphytéotique portant sur la même parcelle, et que cette promesse avait fait l’objet d’une prorogation assortie d’une mise à disposition du site pour permettre à la société B d’y installer des équipements, la société A a demandé au Tribunal administratif de Marseille d’annuler la délibération ayant approuvé la prorogation de la promesse de bail.
Le Tribunal s’étant estimé incompétent pour connaître de la demande, la société A a interjeté appel du jugement. La Cour administrative d’appel de Marseille a décidé d’annuler le jugement, considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal.
Saisi d’un pourvoi en cassation formé par la société bénéficiaire de la promesse, le Conseil d’Etat a confirmé la solution retenue par la Cour administrative d’appel.
Guillaume MériauxAvocat |