Nouvelle procédure d’expropriation de l’habitat indigne à titre remédiable

Nouvelle procédure d’expropriation de l’habitat indigne à titre remédiable, outil de stratégie foncière au service de la lutte contre le mal logement

Attendue de longue date, cette procédure consacrée récemment doit permettre une intervention plus précoce des acteurs publics face aux immeubles dégradés. L’objectif est de donner aux collectivités les moyens – juridiques – d’intervenir sans attendre une dégradation irrémédiable de l’immeuble. Le décret n° 2025-419 du 12 mai 2025, largement inspiré de la procédure d’expropriation dite « Loi Vivien », en précise les modalités de mise en œuvre.

LOI n°224-322 du 9 avril 2024; D. n° 2025-419 du 12 mai 2025

Code Expropriation : art. L.512-1 à L.512-6 et R.512-1 à R.512-3

Les objectifs :

Issue d’une proposition majeure du rapport Lutz-Hanotin du 23 octobre 2023, cette nouvelle procédure d’expropriation a pour objet de répondre à la carence persistante de certains propriétaires indélicats.  

En réalité, cette procédure tend à faciliter l’action préventive des pouvoirs publics afin d’éviter la détérioration irréversible d’immeubles faisant l’objet, de longue date, d’interventions des autorités compétentes sans effets sur les propriétaires concernés.

Cette procédure est prévue par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique aux articles L.512-1 à L.512-6.

Les décrets des 10 mars et 12 mai 2025 ont utilement préciser la mise en œuvre de cette procédure, ce dernier ayant notamment traduit règlementairement les conditions de l’expropriation.

Les acteurs et conditions d’application :

L’expropriation des immeubles indignes à titre remédiable est poursuivie au profit de l’Etat, d’une société de construction dont l’Etat détient la majorité du capital, d’une collectivité territoriale, du concessionnaire d’une opération d’aménagement, du titulaire d’un contrat mentionné à l’article L.300-10 du code de l’urbanisme.

Les conditions d’application:

1ère condition : L’immeuble, au cours des 10 dernières années civiles, a fait l’objet :

  • d’au moins deux arrêtés  de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité ayant prescrit des mesures propres à remédier à la situation ;
  • qui n’ont pas été intégralement exécutés ou qui ont fait l’objet d’une exécution d’office

2ème condition : Des mesures de remise en état, dont la nécessité est attestée par un rapport (services, expert) s’imposent pour stopper la dégradation.

3ème condition :  Lorsque l’immeuble concerné est utilisé à des fins d’habitation, qu’il est occupé, et que la réalisation des travaux de remise en état ou la préservation de la santé et de la sécurité des occupants nécessite une interdiction temporaire de d’habiter, un projet de plan d’hébergement (temporaire) ou de relogement est établi, garantissant ainsi la protection des occupants.

Un arrêté préfectoral unique

Si les conditions précitées sont remplies, et par analogie avec la procédure dite « Loi Vivien », le Préfet, aux termes duquel il :

  • Désigne l’organisme au profit duquel l’expropriation est poursuivie ;
  • Déclare cessible le(s) immeuble(s) concerné(s) ;
  • Fixe le montant de l’indemnité provisionnelle, laquelle ne peut être inférieure à l’évaluation réalisée par la Direction de l’Immobilier de l’Etat.
  • La date à partir de laquelle il peut être pris possession des immeubles après paiement, ou consignation, des indemnités. Elle intervient a minima 2 mois après la DUP.
  • au besoin, prescrit une interdiction temporaire d’habiter ou d’utiliser, en tel cas l’expropriant est tenu d’une obligation de relogement.

Des modalités spécifiques d’évaluation de l’indemnité

Si la procédure de fixation judiciaire des indemnités dues au propriétaire obéit au droit commun de l’expropriation, les modalités d’évaluation de l’indemnité principale sont spécifiques à cette procédure et à l’état de l’immeuble concerné.

Ainsi, la valeur du bien est évaluée :

  • Par référence à des mutations ou accords amiables portant sur des biens situés dans le même secteur et présentant un état de dégradation ou d’insalubrité comparable ;

OU

  • En l’absence de termes de comparaison similaires, par référence à des mutations ou accords amiables portant sur des biens de meilleure qualité auquel est appliqué un abattement prenant en compte l’état de dégradation du bien et le montant des travaux et autres mesures prescrites par les arrêtés mais non réalisés.

L’indemnité est réduite des frais liés au relogement ou à l’hébergement des occupants exposés par l’autorité compétente lorsque le propriétaire n’y a pas procédé.

Important – Par exception, en cas d’expropriation d’un immeuble indigne à titre remédiable, l’ordonnance emporte subrogation du bénéficiaire de la DUP dans les droits du propriétaire pour la poursuite des baux en cours, sauf exception (C. expr. art. L 512-3, al. 2 nouveau).

Revisiter la rente foncière et la propriété ?

Construire ensemble les solutions foncières d’aujourd’hui.
Retour sur les Assises Nationales du Foncier et des Territoires 2025 

A l’occasion de cette rentrée, le Bulletin du droit de l’environnement industriel (BDEI) publie une synthèse des remarquables travaux des Assises Nationales du Foncier et des Territoires de 2025 (ANFT) !

De quoi insuffler une belle dynamique pour cette rentrée !

Un travail de synthèse riche et inspirant, pour construire de nouvelles solutions foncières pour nos territoires.

A travers 11 thématiques, allant de la sobriété immobilière à la prise en compte du risque naturel, en passant par le changement de rapport à la propriété à la rente foncière, le Laboratoire d’Initiatives Foncières et Territoriales Innovantes (LIFTI) rassemblant de multiples acteurs publics et privés, alimente la réflexion autour de nos pratiques foncières.

Rapporteure d’un des parcours de ces ANFT, Sarah Heitzmann, Avocate associée chez TH Avocats revient sur la question suivante, dans un des articles de la revue publiée en Juin 2025 :

Revisiter la rente foncière et la propriété ?

Extrait de l’article:
« Le foncier, ou dans une acception plus fonctionnelle, le sol, constitue le socle du déploiement de projets privés, mais également la composante fondamentale de la mise en œuvre des politiques publiques. Face à la multiplicité des sollicitations de ce sol, et à l’enjeu d’optimisation de son usage, une régulation est susceptible d’émaner des différents acteurs publics afin de concilier les intérêts en présence. Pourtant, à de rares exceptions, le foncier n’est pas, en droit, considéré comme un bien commun. Il se décompose en une quantité innombrable et sans cesse renouvelée de propriétaires. A ces propriétaires, notre droit confère une protection constitutionnelle. Et fortes de ce droit constitutionnellement protégé, les propriétés sont, par construction sociale, une ressource, des patrimoines. Au regard des enjeux de l’utilité publique, notamment sociaux, environnementaux et climatiques il est apparu opportun, dans le cadre des travaux du Lifti, de se donner l’ambition de Revisiter la rente foncière et la propriété … »

Pour télécharger la revue dans son intégralité : LIEN DE TELECHARGEMENT

Pas d’indemnité de perte de fonds pour l’exploitant du domaine public – nouvelle confirmation jurisprudentielle

Jugement du 29 avril 2025 par le tribunal administratif de Toulouse

Par un jugement du 29 avril 2025, le tribunal administratif de Toulouse a refusé d’homologuer une transaction octroyant une indemnité – accordée notamment pour réparer la perte d’un fonds de commerce exploité sur le domaine public en vertu d’une convention d’occupation du domaine public arrivée à son terme – après avoir constaté que cette indemnité s’apparentait à une libéralité.

En l’espèce, par une convention d’occupation, la commune de Bagnères-de-Luchon a mis à disposition de la SAS Birdy, à compter du 4 avril 2016 et pour une durée de huit ans jusqu’au 30 mars 2024, les locaux d’un bar restaurant  » le Fairway  » situé dans l’enceinte du golf municipal de Luchon et lui en a confié l’exploitation.

La SAS Birdy, a demandé, avant l’expiration de la convention d’occupation, la  » régularisation d’un bail commercial  » à l’expiration de ladite convention (soit le renouvellement de la convention et sa soumission à la législation sur les baux commerciaux), chose que la commune a implicitement rejetée. Craignant les éventuelles conséquences, notamment indemnitaires, pouvant découler d’une chaine d’action contentieuses engagées par la SAS Birdy, la commune de Bagnères-de-Luchon a accepté de régler amiablement le différend l’opposant à la SAS Birdy, en recourant à une médiation, laquelle s’est dénouée par la signature d’une transaction que les parties ont voulu faire homologuer par le tribunal administratif.

Après avoir rappelé l’office du juge administratif saisi d’une demande d’homologation d’une transaction conclue sur le fondement des dispositions de l’article 2044 du code civil et L.423-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration – qui consiste à vérifier l’existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties, et, surtout, l’absence de méconnaissance d’une règle d’ordre public, telle que l’interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités (CE, 19 mars 1971, « Mergui », n°79962) – le Tribunal administratif de Toulouse constate l’appartenance des locaux litigieux mis à la disposition de la SAS Birdy au domaine public de Bagnères-de-Luchon.

De ce constat, découlent naturellement deux conséquences, rappelées avec constance par la jurisprudence administrative :

  • L’impossibilité de conclure un bail commercial sur le domaine public, lequel, en raison de la nature des droits qu’il confère à son titulaire – en particulier le droit au renouvellement du bail – est manifestement incompatible avec le caractère nécessairement personnel, précaire et révocable d’un titre d’occupation du domaine public, qui ne peut, notamment, accorder au preneur un droit acquis au renouvellement du titre d’occupation dont il est titulaire (Conseil d’État, 8ème – 3ème SSR, 24/11/2014, 352402, Publié au recueil Lebon)
  • L’impossibilité, pour les mêmes considérations d’intérêt général susévoquées, en particulier le principe de révocabilité des autorisations d’occupation du domaine public, de constituer un fonds de commerce sur le domaine public. Sur ce point, la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel «  un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre « . Toutefois ces dispositions ne sont applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur (20 juin 2014). Même dans ce cas d’ailleurs l’indemnisation est au demeurant exclue lorsque la perte dudit fonds résulte de l’échéance du terme normal de la convention (Conseil d’État, 8ème – 3ème SSR, 24/11/2014, 352402, ; CAA de LYON, 4ème chambre, 16/01/2025, 23LY02298)

Faisant application de ces règles, le Tribunal administratif de Toulouse juge, en l’espèce, que l’indemnité octroyée à la SAS Birdy, en vertu de la transaction conclue avec cette dernière, pour réparer, notamment, les préjudices nés de la perte d’un fonds de commerce consécutivement au non-renouvellement d’une convention d’occupation du domaine public, et en contrepartie de la renonciation de la SAS Birdy a sollicité un bail commercial, s’apparente à une libéralité.

Par conséquent, il refuse d’homologuer la transaction dont il est saisi, laquelle méconnait ce faisant le principe – d’ordre public – de l’interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités.

Revisiter la propriété : Focus sur la propriété collective des sections de communes

Définition. Survivance de l’ancien régime, consacrant une forme de propriété collective à l’échelon infra-communal, les biens et droits sectionaux sont des biens meubles ou immeubles (pâturages, forêts, drailles, machines agricoles, etc.) et des droits réels (forestage, affouage, chasse, etc.) détenus « à titre permanent et exclusif par toute partie d’une commune » appelée alors « section de commune » (article L2411-1 CGCT ). Entités infra-communales disposant de leur propre personnalité juridique de droit public (patrimoine distinct, capacité d’ester en justice, de conclure des contrats, etc.) les sections de commune ont vocation à administrer, avec le Conseil municipal et le Maire, les biens et droits sectionaux dont ils sont propriétaires. (CE, 1er oct. 1986, n° 59522, Cne Saulsotte).
Depuis 2013, aucune nouvelle section de commune ne peut être créée (volonté de rationaliser la gestion foncière locale), cependant cette forme de propriété demeure, notamment en territoires ruraux.

Membres. Sont membres de la section de commune les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur son territoire. Ils sont dénommés les « ayants-droits de la section de commune ».
Si le droit de propriété des biens sectionaux appartient indivisiblement à la seule section, ses membres disposent néanmoins d’un véritable droit de jouissance sur les biens sectionaux dont les fruits sont perçus en nature (par ex. droit de pâturage, droit d’affouage…) à l’exclusion de tout revenu en espèce (article L.2411-10 CGCT).

Gestion des biens. La gestion des biens sectionaux relève en principe de la seule compétence partagée du Conseil Municipal et du Maire de la commune. Toutefois, au sein d’une section de commune, un organe de gestion dénommé « commission syndicale » peut être créé, après chaque élection municipale, à la demande de la moitié des électeurs de la section (membres de la sections inscrits sur les listes électorales) ou du Conseil municipal, par arrêté du Préfet du département, après convocation des électeurs de la section.     
Certaines situations (faible nombre d’électeurs, électeurs récalcitrants, faibles revenus annuels de la section) font obstacle à la création d’une commission syndicale (article 2411-5 CGCT). Outre le Maire, cette dernière comprend des représentants élus des membres de la section (4 à 10 membres) et un président élu parmi eux. Lorsqu’elle est créée, la commission syndicale partage avec le Conseil municipal et le Maire la gestion des biens sectionaux.

Partage des compétences relatives à la gestion des biens sectionaux    
Ressortissent à la compétence de la commission syndicale lorsqu’elle existe, notamment : la passation des contrats avec la commune de rattachement ou une autre section communale ; la vente, l’échange et la location des biens sectionaux pour une ≥ à 9 ans ; le changement d’usage des biens, l’acceptation des libéralités, transactions et actions judiciaires (article L.2411-6 CGCT).

Ressortissent à la compétence du Conseil municipal : La vente de biens de la section ayant pour objectif la réalisation d’un investissement nécessaire à l’exécution d’un service public, à l’implantation d’un lotissement ou à l’exécution d’une opération d’intérêt public ; la location de biens de la section consentie pour une durée inférieure à neuf ans ; l’adhésion de la section à une association syndicale ou à une autre structure de regroupement foncier ou de gestion forestière. La commission est consultée pour avis sur tout projet de délibération afférant à l’exercice de ces compétences (articles L.2411-5 et L.2411-6 CGCT).

Lorsque la commission syndicale n’a pas été constituée, les compétences de gestion qui lui sont normalement dévolues sont exercées par le Conseil municipal (articles L.2411-5 et L.2411-6 CGCT).

Régime financier. Le budget de la section communale, qui constitue un budget annexe de la commune, est préparé par la commission syndicale puis soumis pour adoption au Conseil municipal, lequel peut y apporter des modifications.       Il est nécessairement voté en équilibre.
En l’absence de constitution d’une commission syndicale, il n’est pas établi de budget annexe, et les soldes de fin d’exercice sont repris l’année suivante au budget de la commune. Un « état spécial » annexé au budget de la commune dans lequel sont retracées les dépenses et les recettes de la section est alors établit dans ce cas par le Conseil municipal. La section communale ne dispose pas de pouvoir financier autonome, le maire reste l’ordonnateur des dépenses de la section.     
Les revenus en espèces tout comme le produit de la vente des biens de la section ne peuvent être utilisées que dans l’intérêt de la section (articles L.2411-10 et L.2411-17).Ils sont prioritairement affectés notamment à l’entretien et la mise en valeurs des biens sectionaux. En cas d’utilisation contraire aux intérêts de la section, les membres de la section sont fondés à agir contre la commune (CE, 1er oct. 1986, n° 59522, Cne Saulsotte).

Transfert des biens sectionaux à la commune. Certaines situations peuvent justifier le transfert des biens sectionaux aux communes (désintérêt caractérisé des membres de la section, non constitution de la commission syndicale, mise en œuvre d’un objectif d’intérêt général, etc.) Il est prononcé par arrêté préfectoral.

L’ordonnance d’expropriation : une garantie au service de l’utilité publique

Par un arrêt du 28 mai 2025, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rappelle la compétence liée des juges de l’expropriation appelés à se prononcer sur le transfert de propriété.

En l’espèce, l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France (EPFIF) faisait grief au juge de l’expropriation d’avoir refusé de prononcer le transfert de propriété de plusieurs parcelles  au motif que « la procédure de délaissement ayant été diligentée antérieurement à la procédure d’expropriation, elle ne peut être considérée comme étant sans objet au jour de la signature de l’ordonnance d’expropriation. »

Pour mémoire, le droit de délaissement peut être défini comme la faculté offerte aux propriétaires d’un bien, concerné par une opération d’urbanisme, d’obliger l’expropriant du projet à acquérir ledit bien (1).

La Cour de cassation rappelle d’abord les dispositions relatives à l’office du juge de l’expropriation saisi d’un dossier d’expropriation transmis par le préfet, prévues aux articles L.221-1, R.221-2 et R.221-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Elle en déduit ensuite ce que le Conseil constitutionnel avait déjà relevé dans une décision du 16 mai 2012 : « le juge de l’expropriation se borne à vérifier que le dossier que lui a transmis l’autorité expropriante est constitué conformément aux prescriptions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique »(2).

La Haute juridiction en conclut que dès lors qu’une parcelle est visée par un arrêté de cessibilité, le juge de l’expropriation prononce, sous réserve de l’accomplissement des formalités légales, le transfert de propriété, « peu important que son propriétaire ait préalablement notifié à la collectivité publique ou à l’établissement public son souhait d’exercer son droit de délaissement. »

L’ordonnance refusant l’expropriation est par voie de conséquence cassée et annulée.

Cette décision témoigne de l’équilibre voulu par le législateur entre les droits des expropriés (droit de délaissement), mais aussi les impératifs de l’utilité publique qui justifient de ne pas retarder une ordonnance d’expropriation lorsque les conditions de son édiction sont remplies.

(1) Article L.311-2 du code de l’urbanisme
(2)
 Cons. const., 16 mai 2012, n° 2012-247 QPC

Cass. 3e civ., 28 mai 2025, n°24-10.352, Bull.

Enfin un droit de visite en préemption Espaces Naturels Sensibles (ENS)

Le décret n° 2025-426 du 13 mai 2025, publié le 15 mai 2025 au Journal officiel de la République française (JORF n° 0113 du 15 mai 2025), fixe les conditions de visite d’un bien par le titulaire du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles.

L’article 234 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets avait modifié les dispositions de l’article L. 215-14 du code de l’urbanisme, en permettant au  titulaire du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles de demander à visiter le bien faisant l’objet d’une aliénation soumise à ce droit.

Le décret du 13 mai 2025, adopté pour l’application de l’article L. 215-14 du code de l’urbanisme issu de la loi du 22 août 2021, insère un article D. 215-11-1 dans le code de l’urbanisme.

Les conditions de visite fixées par le décret du 13 mai 2025 sont celles prévues pour le droit de préemption urbain par les articles D. 213-13-1 à D. 213-13-4 du code de l’urbanisme :

  • La demande de la visite du bien est faite par écrit.
  • Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu’au notaire mentionnés dans la déclaration d’intention d’aliéner.
  • Le délai de trois mois reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire.
  • L’acceptation de la visite par le propriétaire est écrite.
  • Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, par acte d’huissier, par dépôt contre décharge ou par voie électronique et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite.
  • La visite du bien se déroule dans le délai de quinze jours calendaires à compter de la date de la réception de l’acceptation de la visite, en dehors des samedis, dimanches et jours fériés.
  • Le propriétaire, son mandataire ou le notaire est tenu d’informer de l’acceptation de la visite les occupants de l’immeuble mentionnés dans la déclaration d’intention d’aliéner.
  • Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier.
  • L’absence de visite dans le délai prévu au troisième alinéa vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite. Dans ce cas, le délai reprend son cours.
  • Le propriétaire peut refuser la visite du bien.
  • Le refus est notifié au titulaire du droit de préemption dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. En l’absence de réponse dans ce délai, le refus est tacite.
  • La demande de la visite du bien visée indique les références de la déclaration d’intention d’aliéner. Cette demande reproduit, en caractères apparents, les dispositions de l’article L. 215-14 et celles des articles  213-13-2 et D. 213-13-3.
  • Elle mentionne le nom et les coordonnées de la ou des personnes que le propriétaire, son mandataire ou le notaire peut contacter pour déterminer les modalités de la visite.
  • Elle indique que la visite doit être faite en présence du propriétaire ou de son représentant et du titulaire du droit de préemption ou de la personne mandatée par ce dernier.

L’article 2 du décret précise que ces nouvelles dispositions s’appliquent aux déclarations d’intention d’aliéner reçues par le titulaire du droit de préemption à compter de la date d’entrée en vigueur de ce décret, à savoir le 16 mai 2025.

Expropriation – En deux décisions du 16 janvier 2025, la Cour de Cassation a significativement fait évoluer les règles applicables au contentieux de l’expropriation.

  • Décision n°23-21.174 : la fin de l’annulation des ordonnances d’expropriation par voie de conséquence de l’annulation de la DUP ou de l’Arrêté de cessibilité
    (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 janvier 2025, n° 23-21.174)

Par un arrêt du 16 janvier 2025, la Cour de cassation a fixé une nouvelle procédure concernant les voies de recours ouvertes contre une ordonnance d’expropriation (articles L. 223-1 et L. 223-2 du code de l’expropriation).

Avant cette décision, il était admis qu’un exproprié puisse former un pourvoi en cassation contre l’ordonnance de transfert de propriété avant même que le juge administratif ne se soit prononcé sur l’annulation définitive de la DUP ou l’arrêté de cessibilité, et demande à l’occasion de ce pourvoi l’annulation de l’ordonnance par voie de conséquence de l’annulation à intervenir de l’un ou l’autre de ces actes de la phase administrative (Cass. 3 civ., 17 décembre 2008, n° 07-17.739).

Après avoir constaté que le recours en perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation (L. 223-2 et R. 223-1 et s. code expr.) est de nature à pleinement garantir les droits des expropriés, la Cour de cassation a décidé que l’annulation à intervenir d’une déclaration d’utilité publique ou d’un arrêté de cessibilité ne pourra désormais plus permettre à un exproprié de former un pourvoi contre une ordonnance d’expropriation. Cette décision est d’application immédiate.

L’annulation de l’arrêté de cessibilité ou de la DUP ne peuvent désormais plus qu’être soulevés à l’occasion d’un recours en constatation de perte de base légale, formé dans un délai de 2 mois à compter de la décision définitive, et adressé au juge de l’expropriation.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 janvier 2025, 23-21.174, Publié au bulletin

  • Décision n°23-20.295 : la tardiveté de la communication de pièces en appel n’est plus une cause de caducité
    (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 janvier 2025 n°23-20.925)

Par un arrêt du 16 janvier 2025, la Cour de Cassation a réduit les conséquences de la tardiveté de la transmission de pièces par l’appelant, cette tardiveté induisant l’irrecevabilité des pièces mais n’entraînant plus la caducité de l’appel.

La Cour d’appel de Poitiers avait, dans un arrêt du 7 juillet 2023, déclaré caduc l’appel interjeté par des propriétaires en ce qu’ils avaient transmis au greffe les pièces visées dans leurs conclusions postérieurement au délai de trois mois qui leur était imparti pour conclure, délai qu’ils avaient pourtant respecté.

Cet arrêt s’inscrivait dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle, en matière d’expropriation, l’appelant qui dépose les pièces produites au soutien de son mémoire après l’expiration du délai prévu pour conclure, était déchu de son appel (3e Civ., 29 février 2012, pourvoi n° 10-27.346), y compris lorsque celles-ci étaient identiques à celles produites en première instance (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-50.039 ; 3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-11.078).

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 janvier 2025, opère un revirement de jurisprudence en jugeant que :

« la caducité de la déclaration d’appel n’est encourue que lorsque l’appelant n’a pas conclu dans le délai prévu par l’article R. 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le défaut de communication des pièces dans ce délai n’étant sanctionné que par leur irrecevabilité lorsque le juge estime qu’elles n’ont pas été communiquées en temps utile ».

La Cour précise, en outre, que « l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé n’est encourue que lorsque celui-ci n’a pas conclu dans le délai prévu par le même texte, la communication tardive des pièces n’étant sanctionnée que par leur irrecevabilité lorsque le juge estime qu’elles n’ont pas été communiquées en temps utile ».

Ces nouvelles règles de procédure, fondées sur le droit d’accès au juge tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sont d’application immédiate.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 janvier 2025, 23-20.925 23-20.926 23-20.927 23-20.928 23-20.929 23-20.930 23-20.931 23-20.932 23-20.934 23-20.935, Publié au bulletin

Classement 2024 Décideurs Magazine:TH Avocats, leader en Maîtrise Foncière!

[DISTINCTION 🔝] Sortie des classements Energie, Environnement, Acteurs Publics édition 2024 !

En cette période où l’on regarde à la fois dans le rétroviseur (quelle année bien remplie !) et vers l’avenir (de beaux projets en cours !), nous avons reçu deux nouvelles réjouissantes cette semaine :

➡️L’attribution par l’EPF Ile-de-France des deux lots du marché de conseil et de représentation en justice de l’EPFIF en matière foncière et immobilière.

🏆 Le classement des Décideurs présentant le cabinet TH AVOCATS comme LEADER 2024 en MAÎTRISE FONCIERE.

Présent depuis de nombreuses années parmi les cabinets référencés par le magazine Décideurs dans le guide « Énergie, environnement, acteurs publics & entreprises, TH AVOCATS, pour cette nouvelle édition 2024, est distingué dans les catégories suivantes :

👉 MAÎTRISE FONCIÈRE – Incontournable
👉 DOMANIALITÉ PUBLIQUE – Forte notoriété
👉 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES & ECONOMIE MIXTE – Forte notoriété
👉 URBANISME & AMÉNAGEMENT – Forte notoriété
👉 DROIT DES GRANDS ENSEMBLES (COPROPRIÉTÉ) – Forte notoriété
👉 DROIT DES BAUX – Forte notoriété
👉 DROIT DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT – Pratique réputée
👉 ICPE, SITES ET SOLS POLLUÉS, FRICHES INDUSTRIELLES – Pratique réputée
👉 CONTRATS ADMINISTRATIFS ET CONTENTIEUX AFFÉRENTS – Pratique de qualité

🙏De nouveau, TH AVOCATS tient à remercier vivement l’ensemble de ses équipes toujours investies et engagées dans la réussite de l’ensemble de nos missions et projets ainsi que nos clients et partenaires qui nous renouvellent quotidiennement leur confiance pour accompagner leurs projets.

Cession du Stade de France et mise en concurrence préalable : un rappel bienvenu

Par une ordonnance rendue le 15 mai 2024 dans le cadre d’un référé précontractuel, le Tribunal administratif de Montreuil s’est prononcé sur la régularité d’une procédure de mise en concurrence préalable mise en œuvre dans le cadre de la cession, avec charges, d’un bien immobilier de l’Etat. 

Dans le cadre de la cession du Stade de France, son propriétaire, l’Etat, a lancé deux procédures d’appel d’offres portant, pour l’une, sur la concession du Stade, et pour l’autre, sur la cession du Stade avec charges. Le groupement « Le Stade de France – notre bien commun » avait alors déposé un dossier de candidature pour l’acquisition du Stade. Son offre a été rejetée par l’Etat.

Le groupement a alors saisi le juge administratif par la voie d’un référé précontractuel (L. 551-1 du code de justice administrative) pour lui demander de reprendre la procédure de mise en concurrence organisée dans le cadre de la cession du Stade et d’annuler la décision de l’Etat par laquelle il avait rejeté l’offre du candidat.

Le juge administratif a décidé :

  • Que la juridiction administrative était bien compétente en vertu des dispositions de l’article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui disposent que tous les litiges relatifs aux cessions des biens immobiliers de l’Etat sont portés devant la juridiction administrative ;
  • Que le juge des référés précontractuels n’était pas compétent, en l’espèce, pour statuer sur la demande présentée par le groupement. Le juge, après une analyse des conditions de la procédure de mise en concurrence et des modalités du futur contrat, et notamment des charges qui sont imposées au futur acquéreur, conclut que le contrat ne pouvait pas être qualifié de contrat de la commande publique (inexistence d’un « besoin » de l’Etat). Le juge des référés précontractuels n’étant compétent que dans le cadre des procédures impliquant des contrats de la commande publique, rejette logiquement sa compétence.

Cette décision rappelle que les procédures de mise en concurrence préalables à la conclusion d’un contrat passé par au moins une personne publique ne relèvent pas d’un seul et même régime. Il convient de distinguer :

  • Les procédures de mise en concurrence mises en œuvre dans le cadre de la passation d’un contrat de la commande publique, soumises aux règles du code de la commande publique ;
  • Les procédures de mise en concurrence mises en œuvre dans le cadre de la passation d’autres contrats « publics » (conventions d’occupation, cessions de biens immobiliers, etc.), qui sont librement organisées par les personnes publiques, à condition, d’une part, d’instaurer une concurrence effective, et, d’autre part, que le contrat concerné ne soit pas requalifiable en contrat de la commande publique, auquel cas les règles du code de la commande publique auront vocation à s’appliquer.

Rappelons, pour conclure, que la cession des biens immobiliers du domaine privé de l’Etat est obligatoirement consentie après publicité et mise en concurrence préalable (R. 3211-2 du code général de la propriété des personnes publiques). Ce n’est pas le cas des biens immobiliers du domaine privé des collectivités territoriales, qui peuvent néanmoins y procéder volontairement. 

La nomenclature des opérations soumises à évaluation environnementale a été modifiée

La nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, fixant les catégories de projet soumis à évaluation environnementale systématique ou après un examen au cas par cas, a été modifiée par un décret n° 2024-529 du 10 juin 2024, publié au journal officiel le 11 juin 2024.

Quatre rubriques ont fait l’objet de modifications.

Tout d’abord, au titre de la rubrique 1, la rubrique 1 a) prévoit désormais que les élevages intensifs de volailles ou de porcs mentionnés par la rubrique 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement ne sont plus soumis à évaluation environnementale systématique.

Également, la rubrique 1 e) fixe à présent des seuils à partir desquels les élevages intensifs mentionnés par la rubrique 3660 de la nomenclature des installations classés sont soumis à évaluation environnementale systématique :

« -de plus de 85 000 emplacements pour les poulets et 60 000 emplacements pour les poules ;

-de plus de 3 000 emplacements pour les porcs de production (de plus de 30 kg) ;

-de plus de 900 emplacements pour les truies. »

En outre, la rubrique 1 f) soumettant les projets de stockage géologique de CO2 soumis à autorisation mentionnés par la rubrique 2970 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, exclu désormais les essais d’injection et de soutirage en formation géologique d’une quantité inférieure à 100 kilotonnes, lorsqu’ils sont réalisés pendant la phase de recherche. Ces essais sont néanmoins soumis à examen au cas par cas en application de la nouvelle rubrique 1 d) de la deuxième colonne.

La deuxième rubrique modifiée est celle relative aux forages en profondeur à l’exception des forages pour étudier la stabilité des sols. La rubrique 27 f) a été corrigée afin de remplacer la mention de l’article L. 112-3 du code minier par l’article L. 112-2 de ce même code, définissant les activités géothermiques de minime importance.

Le décret du 10 juin 2024 a par ailleurs fait évoluer la rubrique 44 relative aux projets d’équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés. La rubrique 44 d) prévoit désormais que les équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés sont soumis à un examen au cas par cas dès lors qu’ils sont susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes. Par conséquent, en-deçà de ce seuil, ces projets ne sont désormais plus soumis à examen au cas par cas (bien qu’ils sont toujours susceptibles d’être soumis à un tel examen en application de la clause filet).

Enfin, les « Opérations d’aménagements fonciers agricoles et forestiers mentionnées au 1° de l’article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime, y compris leurs travaux connexes. » visées à la rubrique 45, doivent désormais toutes faire l’objet d’un examen au cas par cas alors qu’elles étaient auparavant toutes soumises à évaluation environnementale systématique.

Cette nouvelle nomenclature est applicable aux projets pour lesquels la première autorité compétente pour autoriser le projet ou l’autorité chargée de l’examen au cas par cas sont saisies à compter de la publication du décret, c’est-à-dire depuis le 11 juin dernier.

 

par Mme Valentine Bosquet, juriste, TH AVOCATS