Comment mettre en œuvre la compensation environnementale ? 

Anticiper les atteintes à la biodiversité portées par les projets d’aménagement : ressources méthodologiques Outils de compensation par l’offre, les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation permettent d’évaluer de façon anticipée et de mutualiser le besoin en compensation généré par les futurs projets d’aménagement. Afin d’anticiper les atteintes à la biodiversité, des préconisations […]

Publié le 07/10/2025 dans

  • Environnement

Anticiper les atteintes à la biodiversité portées par les projets d’aménagement : ressources méthodologiques

Outils de compensation par l’offre, les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation permettent d’évaluer de façon anticipée et de mutualiser le besoin en compensation généré par les futurs projets d’aménagement.

Afin d’anticiper les atteintes à la biodiversité, des préconisations méthodologiques sont proposées par :

  • Le rapport du Laboratoire d’initiatives foncières (LIFTI) intitulé « La compensation des atteintes à la biodiversité, outil de régulation et d’amélioration des projets » ;
  • Le guide du Commissariat général au développement durable (CGDD) pour l’élaboration d’un site naturel de compensation.

Ce guide, élaboré en février 2023 par le CGDD, a pour objet de promouvoir le recours aux sites naturels de compensation – outil jusqu’alors peu mobilisé [1].

Focus sur les préconisations formulées par le guide du CGDD pour l’élaboration des sites naturels de compensation.

1. Rappel du dispositif

La première partie du guide présente le dispositif du site naturel de compensation.

Le guide rappelle d’abord les missions des différents acteurs :

  • Le porteur du site est responsable de la demande d’agrément, de la réalisation des actions de génie écologique, de la vente des unités de compensation (UC) et du suivi des gains écologiques.
  • Les services instructeurs et instances consultatives interviennent, quant à eux, au moment de la demande d’agrément puis lors de l’instruction des dossiers d’autorisation des porteurs de projets.

Les principes présidant à la mise en œuvre des mesures de compensation sont ensuite énoncés. Outre qu’elles doivent viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité voire tendre vers un gain de biodiversité en application du principe de prévention (article L. 110-1, II., du code de l’environnement), elles sont soumises à une obligation de résultat et de pérennité, leur effectivité devant perdurer toute la durée des incidences négatives sur l’environnement. Les mesures de compensation doivent par ailleurs être mises en œuvre à proximité fonctionnelle[2] de la zone affectée par le projet (article L. 163-1, II, alinéa 4, et article R. 163-1-A du code de l’environnement), à savoir les secteurs présentant des caractères homogènes et similaires au(x) site(s) affecté(s) d’un point de vue physique et du point de vue de l’occupation humaine (lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels, CGDD, octobre 2013).

2. Méthodologie 

La deuxième partie du guide est consacrée aux étapes d’élaboration d’un site naturel de compensation :

  • La localisation de l’offre ;
  • La création de l’offre ;
  • La définition et la vente des unités de compensation ;
  • La sécurisation du site.

 

1.  Localisation de l’offre

La première étape identifiée par le CGDD consiste à déterminer la localisation de la future offre de compensation au regard des besoins de compensation.

Le besoin de compensation doit d’abord être quantifié en tenant compte du volume potentiel de compensation à venir sur une zone géographique donnée. Il convient ensuite de qualifier ce même besoin en déterminant les éléments de biodiversité susceptibles d’être impactés.

Pour choisir une zone d’implantation pour le site, le guide préconise de :

  • Faire l’état des lieux de la biodiversité sur la zone d’implantation ;
  • Se renseigner sur l’évolution urbanistique de la zone d’implantation, en termes de planification territoriale, de projets prévus et au moyen d’outils prospectifs tels que des données démographiques et historiques ou les tendances passées en matière d’aménagement ;
  • Se fonder sur les expériences passées de la mise en œuvre de la compensation sur le territoire pour qualifier et quantifier le besoin.

La compensation s’appliquant dès lors que les impacts résiduels sont significatifs, l’ensemble des éléments de biodiversité susceptibles d’être impactés significativement doivent être pris en compte, indépendamment de leur statut de protection. 

Ensuite, pour choisir un terrain, deux démarches sont préconisées.

Il est d’abord conseillé de se renseigner sur le potentiel de gain écologique du terrain.

D’une part, les caractéristiques intrinsèques du terrain doivent être examinées. Doivent ainsi être analysés l’état de dégradation du terrain, la dynamique écologique du terrain et des populations, ses caractéristiques pédologiques, hydrologiques et climatiques, sa surface, la capacité de charge potentielle du milieu – à savoir la densité à l’équilibre d’une population non perturbée -, les menaces et sources de pressions, les caractéristiques administratives du site et l’existence d’autres enjeux stratégiques. Il est précisé que le site doit constituer une protection additionnelle, sans qu’il puisse se substituer aux régimes de protection applicables au site par ailleurs[3].

D’autre part, l’emplacement du terrain et son insertion dans la trame paysagère doivent être pris en compte. La proximité de réservoirs écologiques contenant des éléments de biodiversité similaires à ceux visés et l’existence de menaces et sources de pression sont des éléments à prendre en considération afin de choisir un terrain.

Il est ensuite recommandé de s’interroger sur la compatibilité du potentiel de gain écologique du terrain avec le besoin de compensation. A cet égard, les techniques de génie écologique dont l’efficacité est avérée et à un coût acceptable et les éléments de biodiversité présents à proximité fonctionnelle sont susceptibles d’alimenter le potentiel de gain écologique du terrain.

 

2. Création de l’offre

La seconde étape identifiée par le guide consiste en la création de l’offre de compensation elle-même.

Les caractéristiques écologiques du terrain doivent d’abord être analysées en examinant l’état initial du site. Pour la description de l’état initial, l’ensemble des composantes de biodiversité doit être pris en compte à l’aide d’un protocole pour l’état initial contenant des indicateurs et méthodes pertinentes et suffisamment détaillées. Doivent être précisées les causes de dégradation des milieux, la réversibilité de l’effet des pressions identifiées, la trajectoire écologique du milieu et les moyens d’action à disposition de l’opérateur.

Il convient ensuite de concevoir une offre de compensation en élaborant une stratégie de gain écologique.

D’une part, les terrains inadéquats doivent être préalablement exclus. Il peut s’agir de ceux qui se situent sur une trajectoire écologique favorable ou composés d’écosystèmes matures. Il peut également s’agir de terrains trop dégradés pour escompter un gain écologique substantiel.

D’autre part, il convient de définir les éléments de biodiversité à inclure dans l’offre de compensation, notamment le choix des espèces, des habitats et des fonctions ciblés, en cohérence avec les caractéristiques écologiques du terrain et sa dynamique d’évolution naturelle.

Des objectifs écologiques doivent alors être fixés, en assortissant chacun d’eux des indicateurs utilisés pour l’état initial, du résultat final attendu et d’une échéance de réalisation. La stratégie de gain écologique à élaborer peut être constituée d’actions de génie écologique, dont il convient de préciser les modalités et objectifs. Un calendrier de mise en œuvre et d’atteinte des objectifs écologiques doit également être inclus dans cette stratégie.

 

3. Définition et vente des unités de compensation

La troisième étape d’élaboration du site consiste dans la définition et la vente des unités de compensation.

Afin de définir une unité de compensation, le gain écologique fourni par le site doit être évalué. Pour ce faire, la nature, la quantité et la qualité fonctionnelle de chaque élément de biodiversité doivent être précisées.

Un prix doit ensuite être attribué aux unités de compensation, au regard des coûts des mesures de sécurisation foncière, des actions de génie écologique engagées, des mesures de gestion du site sur la durée de l’agrément, des éventuelles mesures correctives nécessaires pour adapter la trajectoire de gain écologique, du suivi écologique, de transaction, de reporting auprès des services instructeurs et d’assurance.

La vente des unités de compensation pourra démarrer lorsque les travaux de restauration écologique seront effectifs. Cependant, s’agissant des sites incluant des éléments de biodiversité rares ou remarquables ou présentant une stratégie de gain écologique plus risquée, l’apparition des premiers gains sera un préalable à la vente des unités. L’atteinte effective du gain écologique devra donc être suivie, ainsi que l’état écologique général du site.

 

4. Sécurisation du site

La quatrième étape de l’élaboration du site consiste à assurer sa sécurisation foncière et financière, afin de respecter les exigences d’efficacité et de pérennité des mesures compensatoires.

Pour sécuriser le foncier, il convient de choisir un outil adapté dès le dépôt de dossier de demande d’agrément. Le porteur du site devra attester de la maîtrise foncière du terrain pendant toute la durée de l’agrément.

Les outils énumérés par le guide sont la propriété, le bail emphytéotique administratif (art. L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales), le bail rural environnemental (BRE) (art. L. 411-1 s. et R. 411-9-11-1 s. du code rural et de la pêche maritime), le cahier des charges annexé à l’acte de vente par une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (art. R. 142-1 du CRPM), l’obligation réelle environnementale (ORE) (article L. 132-3 du code de l’environnement) et la fiducie.

La vocation du site devra être assurée au-delà de la période d’agrément. Des outils complémentaires peuvent ainsi être utilisés, telles que les réserves naturelles (articles L. 332-1 s. et R. 332-1 s.), les réserves biologiques forestières (article L. 212-2-1 du code forestier), les arrêtés de biotope (article L. 411-2 et R. 411-15 du code de l’environnement), la cession à un organisme de protection de la nature (art. L. 322-1 s. du code de l’environnement : Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres), l’intégration aux espaces naturels sensibles du département (art. L. 113-8 s. du code de l’urbanisme) ou les zonages de protection dans les documents de planification urbaine.

Quant à la sécurisation financière du site, le CGDD préconise de choisir un instrument avant l’obtention de l’agrément afin de se garantir une somme correspondant au coût de la sécurisation foncière, des premiers travaux et des premières années de gestion. Parmi ces outils figurent le prêt bancaire autorisé, au sein d’un fond fiduciaire, ou par une consignation. Le prix des unités de compensation doit être fixé de sorte qu’à partir des premières ventes les bénéfices puissent permettre le financement du projet de site. Il est précisé que la période de sécurisation financière s’étend au-delà de la période d’agrément. Cette sécurisation recouvre également l’hypothèse de de dommage ou de non-atteinte des objectifs écologiques fixés. Il est conseillé de prévoir, dans le cadre du contrat passé entre le porteur du site et le maître d’ouvrage pour la vente d’unités de compensation, une assurance en cas de non atteinte des gains écologiques escomptés afin de récupérer tout ou partie des fonds investis en cas d’échec des mesures de compensation.

Dans l’hypothèse où le site serait victime d’un dommage environnemental, les dispositions du code de l’environnement relatives à la réparation des dommages causés à l’environnement (article L. 162-1L. 162-6 à L. 162-12, R. 162-2 à R. 162-5 et  du code de l’environnement) trouveraient à s’appliquer (demande d’action par des associations de protection de l’environnement, évaluation des dommages, mesures de réparation appropriées, avis des personnes concernées, avis du ou des comités départementaux de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, avis de la formation spécialisée dite  » de la nature  »  de la ou des commissions départementales compétentes en matière de nature, de paysages et de sites, autorisation écrite des propriétaires privés, institution de servitudes d’utilité publique sur les terrains affectés, déclaration d’utilité publique des travaux de réparation et de l’acquisition des immeubles affectés, procès-verbal de constat de l’exécution des travaux prescrits, mesures complémentaires nécessaires pour parvenir à la réparation des dommages).

3. Demande d’agrément

La troisième partie du guide est relative à la demande d’agrément. Cependant, l’article L. 163-1-A du code de l’environnement, créé par l’article 15 de la loi sur l’industrie verte, prévoit en son III. qu’un décret précise ses modalités d’application, notamment les modalités d’agrément et de suivi des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation ainsi que la nature et les modalités de vente des unités de compensation, de restauration ou de renaturation.

On notera que ces modalités ont ensuite été précisées par le décret n° 2024-1053 du 21 novembre 2024 relatif à l’agrément des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation et codifiées aux articles D. 163-1 à D. 163-14 du code de l’environnement.

Un arrêté de la ministre chargée de l’environnement en date du 21 novembre 2024 définit les conditions d’agrément ainsi que la composition du dossier de demande d’agrément.

La demande d’agrément est adressée au préfet de région par voie dématérialisée (article D. 163-3 du code de l’environnement). L’article D. 163-5 du code de l’environnement prévoit que la durée de validité de l’agrément ne peut être inférieure à 30 ans.

 


 

[1] F. Genet, Projet de loi relatif à l’industrie verte, Avis n° 731 (2022-2023), déposé le 13 juin 2023.

[2] Pour la localisation des mesures de compensation, la loi sur l’industrie verte du 23 octobre 2023 (article 15 , modifiant l’article L. 163-1 du code de l’environnement) précise que la notion de proximité doit être entendue comme une proximité fonctionnelle et non géographique. Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, en proximité fonctionnelle avec celui-ci.

[3] Elles ne peuvent davantage se substituer aux mesures d’évitement et de réduction : article L. 163-1 I., al. 2, du code de l’environnement.

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