Enquête parcellaire : L’avis d’ouverture d’enquête doit être publié dans un seul des journaux diffusés dans le département

Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2022, n° 21-18.165

Article R. 131-5 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique

 

La métropole de Lyon et le préfet du département du Rhône, agissant au nom de l’Etat, se sont pourvus en cassation contre l’ordonnance du juge de l’expropriation du Rhône du 12 avril 2021 refusant de prononcer l’expropriation d’une parcelle.

 

Aux termes de l’article R. 131-5 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l’article R. 131-4 du même code est inséré en caractères apparents dans l’un des journaux diffusés dans le département.

 

Pour refuser de prononcer l’expropriation, l’ordonnance attaquée retenait qu’en matière d’expropriation, une annonce légale doit paraître dans deux journaux départementaux différents.

 

La Cour de Cassation a logiquement jugé que le Juge de l’expropriation a violé les articles précités.

 

Pour accéder à la décision et à l’article :

• Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2022, n° 21-18.165

• Article R. 131-5 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique

 

   Par Thibaud TAILLET, avocat

 

Le Maire peut prononcer la fermeture administrative d’un restaurant du fait d’un risque de chute de pierres

Conseil d’État, Référé, 09 septembre 2022, n°467212

 

Au cas d’espèce, le maire de la commune avait prononcé, par arrêté, la fermeture administrative d’un restaurant du fait d’un risque de chutes de pierres d’une falaise surplombant ledit établissement. Cette mesure de police administrative avait une portée temporaire dès lors qu’elle était susceptible d’être levée par la réalisation d’une étude géotechnique.

 

Insatisfaite, l’exploitante du restaurant a demandé la suspension de l’exécution de l’arrêté municipal dans le cadre d’un référé-liberté (Article L. 521-2 du Code de justice administrative). Au soutien de sa demande, la requérante invoquait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre ainsi qu’à la liberté du commerce et de l’industrie. Par ailleurs, la requérante soutenait que le caractère général et absolu de la mesure ordonnée, sans aucune limitation de durée, compromettrait une ouverture pour la saison 2023.

 

Par une ordonnance rendue le 9 septembre 2022, le Conseil d’Etat a confirmé la solution du Tribunal administratif de Toulon ayant rejeté la demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du 8 août 2022 du maire de la commune de Sanary-sur-Mer. Les Sages ont retenu qu’à la suite d’une étude géologique réalisée en 2015, le bureau d’études avait informé la société requérante de la nécessité de faire réaliser un diagnostic du talus surplombant le restaurant, ce que la société n’avait pas fait. Par la suite, le préfet du Var avait mis en demeure la requérante de cesser toute occupation du domaine public maritime et de démonter le bâtiment abritant ce restaurant en soulignant les risques de chute de blocs et de glissement de terrain existant dans la zone où il se situe, et les effets inacceptables d’une exploitation qui attire du public dans une telle zone.

 

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat juge que le maire, par son arrêté de fermeture administrative, n’a pas pris une mesure manifestement inadaptée ou disproportionnée pour garantir la sécurité publique face au risque de chutes de pierres. Pour conclure, le Conseil précise que l’arrêté ne porte pas « d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre, à la liberté du commerce et de l’industrie ni à la liberté du travail ».

 

Pour accéder à la décision : Conseil d’État, Référé, 09 septembre 2022, n°467212

 

   Par Thibaud TAILLET, avocat

 

Institution du nouveau droit de préemption « captage » – Décret du 10 septembre 2022

Par la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique du 27 décembre 2019, le législateur a instauré un nouveau droit de préemption visant à préserver les ressources en eau destinées à la consommation humaine.

Intégrées au code de l’urbanisme et modifiées par la loi du 21 février 2022[1], ces dispositions ont été complétées par le décret n° 2022-1223 du 10 septembre 2022, lequel créé un nouveau chapitre au sein de la partie règlementaire de ce code, aux articles R. 218-1 et suivants. De nombreuses précisions sont apportées quant aux modalités pratiques d’institution de ce nouveau droit de préemption et le cadre procédural de sa mise en œuvre.

Concernant l’institution de ce droit de préemption, le décret précise que le Préfet de Département est l’autorité compétente pour instituer, par arrêté, le droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine.

L’arrêté préfectoral étant pris sur demande d’une commune, d’un groupement de communes ou d’un syndicat mixte compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau[2], le décret précise les pièces nécessaires à la formulation de cette demande. En pratique, il appartiendra notamment à ces personnes publiques d’adopter une délibération, de réaliser un plan du périmètre du territoire sur lequel l’institution du droit de préemption est sollicitée et de réaliser un argumentaire comportant les motifs conduisant à solliciter l’instauration du droit de préemption et justifiant le choix du périmètre (sur le modèle de ce qui était pratiqué pour les périmètres de ZAD).

Après réception d’une demande complète, le Préfet sollicite dans un délai de quinze jours différents avis (celui des communes situées sur le territoire sur lequel l’institution du droit de préemption est requis, des SAFER et chambres d’agriculture dont la zone d’action comprend ce même périmètre…) et statue dans un délai de six mois.

Une fois l’arrêté instituant le droit de préemption publié au recueil des actes administratifs et mentionné dans deux journaux publiés dans le ou les départements concernés, il devient exécutoire.

Concernant la procédure de ce nouveau droit de préemption, nombreuses de ses modalités sont identiques à celles applicables en matière de droit de préemption urbain :

  • L’article R. 218-11 du code de l’urbanisme dispose que la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) peut être adressée au titulaire du droit de préemption par voie postale (LRAR), déposée contre décharge ou adressée par voie dématérialisée dans les conditions fixées par le code des relations entre le public et l’administration ;
  • Le titulaire du droit de préemption peut solliciter auprès du vendeur la communication de certaines pièces, dont la liste est précisée par les dispositions de l’article R. 218-12 de ce même code (servitudes ou baux en cours, éventuelles hypothèques…). Cette demande de communication de documents suspend le délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour prendre sa décision ;
  • L’avis de la direction immobilière de l’Etat doit être demandé lorsque le prix figurant dans la DIA ou celui que le titulaire du droit de préemption entend proposer est supérieur à 180 000 euros.

Enfin, le décret apporte des précisions quant au régime des biens acquis par exercice du droit de préemption pour la préservation de la ressource en eau, notamment s’agissant de leur mise à bail ou de leur cession (article R. 218-19 et suivants). Dans les deux cas, des exigences environnementales s’attachant à la préservation de la ressource en eau devront être respectées par le preneur ou le nouveau propriétaire.

[1] Loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

[2] En application de l’article L. 2224-7 du CGCT

 

Par Valentine Bosquet, juriste

Actualité jurisprudentielle : le Conseil d’Etat confirme que le vice de procédure affectant une DUP ou un arrêté de cessibilité peut être régularisé

Nul doute que les deux décisions rendues les 21 et 25 juillet 2022 par le Conseil d’Etat seront de nature à retenir l’attention des aménageurs et porteurs de projets publics, mais également des spécialistes du contentieux administratif.

Le Conseil d’Etat, à quelques jours d’intervalle, confirme tout d’abord la faculté de régularisation d’un arrêté de DUP en raison du vice affectant l’avis de l’autorité environnementale (CE, 2ème 7ème chambres réunies, 21 juillet 2022, « Commune de Grabels » n°437 634, Publiée au recueil Lebon) et étend ensuite cette faculté de régulation aux arrêtés de cessibilité (CE, 6ème chambre, 25 juillet 2022, EPA Euroméditerranée, n°462 681).

Une solution bienvenue compte tenu de l’impact important et durable de ce vice de procédure sur les opérations complexes

Le moyen tiré de l’absence d’indépendance fonctionnelle de l’autorité environnementale par rapport au préfet, en contradiction avec les exigences d’objectivité issues des directives 2001/42/CE du 27 juin 2001 et 2011/92/UE du 13 décembre 2011, a donné lieu à plusieurs décisions du Conseil d’Etat[1] rappelant cette exigence de séparation fonctionnelle[2].

Appliquée au contentieux des déclarations d’utilité publique, cette exigence d’indépendance fonctionnelle a conduit à fragiliser durablement de nombreuses opérations pour lesquels l’arrêté de DUP avait été prononcé avant la réforme issue de la loi Energie Climat[3].

Les implications concrètes et opérationnelles de ce risque contentieux résultent notamment de ce que le vice de procédure affectant une DUP est susceptible d’être invoqué à l’appui d’un recours contre les arrêtés de cessibilité pris sur son fondement[4], lesquels arrêtés peuvent être prononcés pendant la durée de validité de la DUP (soit jusqu’à 10 ans en cas de prorogation). Rappelons que cette faculté d’exciper de l’illégalité de la DUP à l’encontre des arrêtés de cessibilité ultérieurs, en soulevant un vice de forme ou de procédure a été confirmée par le Conseil d’Etat par une décision du 4 août 2021[5], et ce en dépit de la décision d’assemblée du 18 mai 2018 ayant limité l’étendue de l’exception d’illégalité des actes réglementaires[6] (la DUP n’étant pas un acte réglementaire mais un acte sui generis).

Une faculté de régularisation pragmatique et justifiée, conforme à l’évolution de l’office du juge administratif.

Par une première décision « Commune de Grabels » du 9 juillet 2021[7], le Conseil d’Etat avait :

  • d’une part retenu la pertinence du moyen tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale en raison l’absence d’autonomie de la DREAL à l’égard du préfet du département compétent pour édicter l’arrêté de DUP
  • d’autre part, et c’est tout l’intérêt de cette première décision, ouvert la possibilité de régularisation de ce vice de procédure.

Le Conseil d’Etat avait, par cet arrêt avant dire droit, et en s’inspirant de l’avis émis sur ce point le 27 septembre 2018[8], précisé les modalités de régularisation, laquelle nécessite l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entaché l’arrêté attaqué.

A cette fin, le Conseil d’Etat rappelle que le vice de procédure, « dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de l’arrêté attaqué, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date ». Anticipant d’éventuelles illégalités des dispositions alors applicables, le Conseil d’Etat précise qu’il appartient en ce cas au juge de « rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue ».

En conséquence, le Conseil d’Etat a donc prévu que le vice de procédure pourrait être réparé par un avis de la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), et non de l’AE compte tenu de l’illégalité des dispositions applicables à la date de l’arrêté attaqué, prévoyant cet avis.

La confirmation concrète de l’accomplissement des formalités de régularisation

Dans sa nouvelle décision « Commune de Grabels » du 21 juillet 2022 (CE, 2ème 7ème chambres réunies, 21 juillet 2022, n°437 634, Publiée au recueil Lebon), le Conseil d’Etat confirme que ce vice est effectivement régularisable, en dépit des doutes parfois émis à ce sujet par les praticiens.

En l’espèce, le Préfet, en sollicitant et en obtenant auprès de la MRAE un nouvel avis sur l’évaluation environnementale du projet et en réalisant une publication par voie électronique du 31 janvier au 2 mars 2022, a pu, ainsi que le constate le Conseil d’Etat dans cet arrêt, régulariser l’arrêté litigieux.

Cet arrêt précise en outre qu’une fois l’arrêt avant dire droit rendu, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée au juge peuvent être invoqués devant ce dernier.

Ainsi, seuls les vices propres à cette régularisation, ou les moyens contestant que ce nouvel avis permette de régulariser le vice de procédure ou soutenant que de nouveaux vices, fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation, peuvent être utilement invoqués.

Le Conseil d’Etat évite ainsi qu’à la faveur de cette procédure de régularisation, un nouveau débat contentieux ne se développe. Un point d’équilibre paraît ainsi s’établir entre la nécessité d’un accès au juge et l’impératif de sécurité juridique nécessaire à la conduite de telles opérations.

Une faculté de régularisation étendue aux arrêtés de cessibilité

La solution issue des jurisprudences « Commune de Grabels » est intéressante en pratique et le sera d’autant plus que par un arrêt rendu 4 jours plus tard, le Conseil d’Etat a étendu cette faculté de régularisation au contentieux des arrêtés de cessibilité, lorsque ceux-ci étaient fondés sur une DUP affectée du même vice de procédure (CE, 6ème chambre, 25 juillet 2022, EPA Euroméditerranée, n°462681).

Alors que la Cour administrative d’appel de Marseille avait estimé « qu’il ne résulte d’aucune disposition ni d’aucun principe qu’il appartiendrait au juge de la cessibilité de parcelles dont l’expropriation a été déclarée d’utilité publique de rechercher si une régularisation appropriée d’un vice entachant la DUP est possible »[9], le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi et d’une demande de sursis à exécution, censure cet arrêt ainsi que l’arrêt avant dire-droit et confirme que, même dans le cadre d’un contentieux à l’encontre d’un arrêté de cessibilité, le moyen tiré de l’illégalité de la DUP, invoqué par voie d’exception, peut donner lieu à une régularisation.

Reprenant les principes issus de la jurisprudence Commune de Grabels, le Conseil ouvre ainsi aux expropriants la possibilité de régulariser leurs arrêtés de cessibilité, en réparant le vice de procédure affectant la DUP et tiré une fois encore de l’absence d’indépendance fonctionnelle de l’autorité environnementale avant la création des MRAE.

Une telle solution jurisprudentielle remédie à une situation d’insécurité juridique aux conséquences pratiques et opérationnelles potentiellement importantes, les transferts de propriété et prises de possession reposant sur ces arrêtés pouvant être remises en cause.

La régularisation requiert bien entendu le respect de certaines exigences, mais cette approche pragmatique ne pourra qu’être saluée par les porteurs de projets d’utilité publique.

 

Par Romain THOME, avocat associé, spécialiste en droit immobilier, droit de l’expropriation

 

[1] CE, 5 février 2020, n° 425451 ; CE Sect., 25 mars 2020, n° 427556 ; CE Sect., 3 avril 2020, n° 427122

[2] CE, 6 décembre 2017, ,°400559 : si les dispositions de la directive « ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné »

[3] Loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et décret d’application n°2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas

[4] CE, 12 octobre 2018, n°417016 : « l’arrêté de cessibilité, l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l’objet constituent les éléments d’une même opération complexe »

[5] CE, 4 août 2021, Commune de Mitry-Mory, n°429800

[6] CE, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, n°414583

[7] CE, 9 juillet 2021 Commune de Grabels, n°437 634

[8] CE, Avis n°420119, 27 septembre 2018

[9] CAA Marseille, 22 février 2022, SCI Les Marchés Méditerranéens, n°19MA05604

Expropriation et habitation : la renonciation au relogement doit être claire et non équivoque

Par un arrêt en date du 16 mars 2022[1], la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelle le principe selon lequel la renonciation à une offre de relogement doit être claire et non équivoque.

Pour rappel, l’article R. 423-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dispose que :

« Il ne peut être offert un local de relogement à un propriétaire exproprié qui occupe tout ou partie de son immeuble que si cette offre a été acceptée par ce propriétaire avant la fixation des indemnités d’expropriation, afin de permettre au juge et, le cas échéant, à la cour d’appel, de tenir compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités d’expropriation ».

Dans l’affaire soumise à la Cour de Cassation, se posait la question de savoir si la Cour d’appel avait violé les dispositions du code de l’expropriation en fixant une indemnité en valeur libre et non de manière alternative dès lors que l’exproprié avait demandé une indemnisation en valeur libre sans fournir de précision quant à sa position sur son droit au relogement.

La Cour de Cassation cite sa jurisprudence constante précisant que si la renonciation à un droit peut être tacite, les circonstances doivent établir, de façon non équivoque, la volonté de renoncer[2] et casse  l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs que :

« Pour évaluer le bien exproprié uniquement en valeur libre d’occupation, l’arrêt retient qu’il est occupé par M. [Y], qui sollicite une évaluation en valeur libre et renonce donc à être relogé.
En statuant ainsi, sans avoir constaté une renonciation claire et non équivoque de l’exproprié à bénéficier de son droit à être relogé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Par conséquent, le juge doit apprécier si l’exproprié a renoncé de manière claire et non équivoque à son droit au relogement.

 

Par Pauline PERAMO, avocate au Cabinet THOME HEITZMANN

[1] Cass., 3ème Civ., 16 mars 2022, n°21-10.032, Publié au bulletin

[2] Cass., 1ère Civ., 23 septembre 2015, n°14-20.168, Publié au bulletin

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Le téléphérique urbain de Toulouse mis en service !

La détermination du loyer d’un bien du domaine privé

Par un arrêt en date du 28 septembre 2021[1], le Conseil d’État étend la jurisprudence relative aux conditions de la cession à vil prix d’un bien du domaine privé d’une personne publique à la location.

Pour rappel, le principe selon lequel une personne publique ne peut consentir de libéralités se rattache au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.

A ce titre, le Conseil d’État avait pu considérer s’agissant de la cession d’un bien, que « la cession par une commune d’un terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes »[2]

Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat se posait la question de la location par le CCAS d’un local à un prix inférieur à la valeur de marché pour l’installation d’un kinésithérapeute.

Le Conseil d’État reprend son considérant de principe indiquant que : « une personne publique ne peut légalement louer un bien à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé pour un loyer inférieur à la valeur locative de ce bien, sauf si cette location est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ». Il estime que la Cour administrative d’appel n’a commis ni d’erreur de droit ni de qualification juridique en déduisant que la location du bien à des conditions préférentielles n’était, au cas présent, pas justifiée par un motif d’intérêt général dès lors que la commune ne faisait pas partie des zones, déterminées par le directeur général de l’ARS, concernées par une offre insuffisante de soins.

Par conséquent le contrôle du juge administratif s’opère successivement en trois étapes :

– Vérifier la présence d’un motif d’intérêt général ;

– Identifier la présence de contreparties ;

– Apprécier si ces contreparties sont suffisantes au regard des conditions préférentielles accordées.

 

[1] CE, Chambres Réunies, 28 septembre 2021, n°431625, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[2] CE, Section, 3 novembre 1997, n°169473, publié au recueil Lebon

 

Par Pauline PERAMO, avocate au Cabinet THOME HEITZMANN

Bibliographie :Conclusions sous l’arrêt de Monsieur Laurent CYTERMANN, Rapporteur Public

 

 

 

Aménagement du littoral – de nouveaux outils fonciers pour faire face au risque d’érosion

La loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 prévoyait des dispositions visant à adapter les territoires littoraux aux effets du changement climatique, notamment au recul du trait de côte. L’ordonnance du 6 avril 2022 (n°2022-489) vient créer les conditions utiles à l’aménagement du littoral.

Une méthode d’évaluation du bien soumis au risque littoral

Dans le cadre d’une procédure de préemption ou d’expropriation dédiée au recul du trait de côte (article L. 219-1 et suivants du Code de l’urbanisme), l’ordonnance définit une méthode d’évaluation de la valeur du bien objet de l’opération.

En premier lieu, la valeur du bien immobilier doit être en priorité déterminée par comparaison, au regard de références locales entre biens de même qualification et situés dans la même zone d’exposition au risque d’érosion (pour les biens exposés au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans).

Si de telles références ne sont pas disponibles, l’évaluation se fera au regard de biens comportant des « caractéristiques techniques similaires » en leur appliquant une décote calculée à partir des estimations de la durée de vie du bien.

Il est prévu qu’en l’absence d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation (Juridiction dont le ressort est départemental), en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte.

Un nouveau bail réel de longue durée

L’article L. 222-1 du Code de l’urbanisme est modifié afin de permettre à l’État, aux collectivités locales, leurs groupements, les établissements publics y ayant vocation, de « constituer des réserves foncières en vue de prévenir les conséquences du recul du trait de côte » sur les biens situés dans les zones exposées au recul du trait de côte.

Néanmoins, en amont de leur renaturation, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières peuvent faire l’objet d’un bail réel.

Ce contrat de bail, utilisé cette fois pour répondre à la problématique de l’érosion côtière, permet de consentir des droits réels immobiliers à un preneur, en vue d’occuper ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements, dans les zones exposées au recul du trait de côte (article L. 121-22-2 du Code de l’urbanisme).

Le bail réel pourra être consenti par l’État, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement.

La signature du bail réel implique que le preneur verse un prix en contrepartie des droits réels consentis. En complément, le bail peut également prévoir le paiement d’une redevance versée pendant la durée du contrat.

L’ordonnance prévoit également un mécanisme de résiliation anticipée du bail lorsque, en raison de l’état du recul du trait de côte, « la sécurité des personnes ne peut plus être assurée ». Une telle résiliation devra être déclenchée par le maire ou le préfet (L. 2212-2 et L. 2215-1 du CGCT).

La résiliation anticipée du bail peut donner lieu à une indemnisation et toute clause contraire serait réputée non écrite.

Des dérogations possibles à la loi Littoral

Enfin l’ordonnance ouvre la possibilité de déroger à certaines dispositions de la loi littoral, notamment l’obligation de construire en continuité de l’urbanisation existante, codifiée à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, lorsque ces dispositions empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation de biens ou d’activités menacées dans des espaces moins soumis au recul du trait de côte.

Ainsi, l’article L. 312-9 du Code de l’urbanisme prévoit qu’une telle dérogation est possible après accord du préfet et avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites lorsqu’elles empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation. Seules les communes listées par le décret n°2022-750 du 29 avril sont concernées par le dispositif. Ces communes devront être engagées dans une démarche dite de « projet partenarial d’aménagement (PPA) ». De tels contrats PPA sont déjà en cours d’expérimentation dans plusieurs territoires menacés à l’instar de Lacanau.

Adaptation de la zone des 50 pas géométriques

L’ordonnance prévoit une mesure pour la méthode d’évaluation des biens dans le cadre du processus de régularisation des occupations sans titre en Guadeloupe, en Martinique et à Mayotte. Pour ce faire, les dispositions prévoient un régime spécifique au recul du trait de côte avec la zone des 50 pas géométriques.

Désormais, l’évaluation doit tenir compte, le cas échéant, du niveau d’exposition du bien au recul du trait de côte lorsqu’il est situé dans une zone exposée au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans.

Enfin, l’article 9 de l’ordonnance prévoit que dans les espaces non urbanisés de la zone 0-30 ans des communes d’Outre-mer exposées au recul du trait de côte, seules les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau peuvent être autorisées, en dehors des espaces et milieux protégés et à condition qu’elles présentent un caractère démontable.

 

Par Hugo Vangrevelynghe

hugo.vangrevelynghe@thavocats.fr

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