Aménagement du littoral – de nouveaux outils fonciers pour faire face au risque d’érosion
La loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 prévoyait des dispositions visant à adapter les territoires littoraux aux effets du changement climatique, notamment au recul du trait de côte. L’ordonnance du 6 avril 2022 (n°2022-489) vient créer les conditions utiles à l’aménagement du littoral. Une méthode d’évaluation du bien soumis au risque littoral […]
La loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 prévoyait des dispositions visant à adapter les territoires littoraux aux effets du changement climatique, notamment au recul du trait de côte. L’ordonnance du 6 avril 2022 (n°2022-489) vient créer les conditions utiles à l’aménagement du littoral.
Une méthode d’évaluation du bien soumis au risque littoral
Dans le cadre d’une procédure de préemption ou d’expropriation dédiée au recul du trait de côte (article L. 219-1 et suivants du Code de l’urbanisme), l’ordonnance définit une méthode d’évaluation de la valeur du bien objet de l’opération.
En premier lieu, la valeur du bien immobilier doit être en priorité déterminée par comparaison, au regard de références locales entre biens de même qualification et situés dans la même zone d’exposition au risque d’érosion (pour les biens exposés au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans).
Si de telles références ne sont pas disponibles, l’évaluation se fera au regard de biens comportant des « caractéristiques techniques similaires » en leur appliquant une décote calculée à partir des estimations de la durée de vie du bien.
Il est prévu qu’en l’absence d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation (Juridiction dont le ressort est départemental), en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte.
Un nouveau bail réel de longue durée
L’article L. 222-1 du Code de l’urbanisme est modifié afin de permettre à l’État, aux collectivités locales, leurs groupements, les établissements publics y ayant vocation, de « constituer des réserves foncières en vue de prévenir les conséquences du recul du trait de côte » sur les biens situés dans les zones exposées au recul du trait de côte.
Néanmoins, en amont de leur renaturation, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières peuvent faire l’objet d’un bail réel.
Ce contrat de bail, utilisé cette fois pour répondre à la problématique de l’érosion côtière, permet de consentir des droits réels immobiliers à un preneur, en vue d’occuper ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements, dans les zones exposées au recul du trait de côte (article L. 121-22-2 du Code de l’urbanisme).
Le bail réel pourra être consenti par l’État, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement.
La signature du bail réel implique que le preneur verse un prix en contrepartie des droits réels consentis. En complément, le bail peut également prévoir le paiement d’une redevance versée pendant la durée du contrat.
L’ordonnance prévoit également un mécanisme de résiliation anticipée du bail lorsque, en raison de l’état du recul du trait de côte, « la sécurité des personnes ne peut plus être assurée ». Une telle résiliation devra être déclenchée par le maire ou le préfet (L. 2212-2 et L. 2215-1 du CGCT).
La résiliation anticipée du bail peut donner lieu à une indemnisation et toute clause contraire serait réputée non écrite.
Des dérogations possibles à la loi Littoral
Enfin l’ordonnance ouvre la possibilité de déroger à certaines dispositions de la loi littoral, notamment l’obligation de construire en continuité de l’urbanisation existante, codifiée à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, lorsque ces dispositions empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation de biens ou d’activités menacées dans des espaces moins soumis au recul du trait de côte.
Ainsi, l’article L. 312-9 du Code de l’urbanisme prévoit qu’une telle dérogation est possible après accord du préfet et avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites lorsqu’elles empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation. Seules les communes listées par le décret n°2022-750 du 29 avril sont concernées par le dispositif. Ces communes devront être engagées dans une démarche dite de « projet partenarial d’aménagement (PPA) ». De tels contrats PPA sont déjà en cours d’expérimentation dans plusieurs territoires menacés à l’instar de Lacanau.
Adaptation de la zone des 50 pas géométriques
L’ordonnance prévoit une mesure pour la méthode d’évaluation des biens dans le cadre du processus de régularisation des occupations sans titre en Guadeloupe, en Martinique et à Mayotte. Pour ce faire, les dispositions prévoient un régime spécifique au recul du trait de côte avec la zone des 50 pas géométriques.
Désormais, l’évaluation doit tenir compte, le cas échéant, du niveau d’exposition du bien au recul du trait de côte lorsqu’il est situé dans une zone exposée au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans.
Enfin, l’article 9 de l’ordonnance prévoit que dans les espaces non urbanisés de la zone 0-30 ans des communes d’Outre-mer exposées au recul du trait de côte, seules les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau peuvent être autorisées, en dehors des espaces et milieux protégés et à condition qu’elles présentent un caractère démontable.
Par Hugo Vangrevelynghe
hugo.vangrevelynghe@thavocats.fr